Ca chauffe à Hong Kong ces jours-ci. Après des mois de protestations diverses, Carrie Lam a finalement décidé de retirer définitivement la loi d'extradition (the "evil bill"). Trop tard, trop peu répondent les manifestants qui ont maintenant accumulé quatre autres revendications majeures : une commission d'enquête sur les violences policières, l'abandon des poursuites pour "émeutes" (cette qualification change tout en termes de risque pénal), l'amnistie des manifestants pacifiques, et la désignation des dirigeants au suffrage universel (on peut rêver...). Entre temps, la tension policière s'est nettement renforcée, avec l'interdiction de tout rassemblement politique (ce qui conduit les manifestants à l'illégalité ou à jouer avec les mots en organisant des rassemblement religieux), des forces anti-émeutes qui occupent les stations de métro et les lieux clés, le filtrage strict des accès à l'aéroport, la fermeture de lignes ou stations de métro, et des épisodes de matraquages plus ou moins aléatoires. C'est un peu difficile maintenant d'avoir de grandes manifestations de masse, mais les protestations continuent, sous diverses formes : - Des échauffourées sporadiques - Des démonstrations d'élèves et étudiants devant les écoles et universités (notamment des chaines humaines de lycéennes, vêtues de leurs uniformes surannées d'école catholiques... et de masques à gaz). - Des cris et slogans lancés tous les soir à 22h depuis les fenêtres des appartements (c'est assez étonnant ces hurlements en cantonais venus de nulle part qui résonnent en pleine nuit entre les tours d'habitation). - Les fameux "Lennon walls". - Et les réseaux sociaux qui bruissent de rumeurs. Le truc bien avec ce mouvement largement animé par les jeunes, c'est que c'est très créatif. Notamment, comme pour un bon vieux mai 68, les étudiants des beaux arts et tout ceux qui ont un peu de talent produisent des affiches très originales qui finissent sur les Lennon walls ou les réseaux sociaux. Voici un aperçu des meilleures production qu'on a récupéré sur les comptes Twitter que l'on suit un peu (enfin surtout Sandra, qui s'enfonce chaque jour un peu plus dans les tréfonds du web protestataire). Les sources d'inspiration sont multiples mais il y en quelques unes qui dominent largement. 1- Les mangas japonais 2- Les codes graphiques traditionnels Chinois en tout genres (Art traditionnel chinois, art de propagande maoiste, art populaire). La dernière des quatre images ci-dessous s'inspire des calendriers, très populaires, qu'on trouve partout à Hong Kong et l'affiche, un peu art déco, en tête de ce billet détourne les codes des affiches publicitaires très en vogue avant-guerre, de Shanghai à Hong Kong. 3- Le MTR. Beaucoup d'affiches détournent la charte graphique du Métro de Hong Kong (le MTR). Sans doute parce que c'est quelque chose de typiquement Hongkongais, identifiable par tout le monde et donc facile, efficace et amusant à détourner. Mais aussi parce que le MTR a, à plusieurs reprises, tout bonnement fermé des stations et lignes à la demande (voire en anticipant les demandes) de la police. Cela a exacerbé le sentiment que le MTR, si présent dans la vie quotidienne et qui fait plutôt la fierté des Hongkongais, est à la botte du pouvoir. Enfin et surtout parce que pas mal d'actions ont eu lieu dans le métro ces derniers temps, dont certaines très violentes qui ont marqués les esprits. On a eu, au mois d'aout, à la station de Yuen Long, une attaque de manifestants par quelques dizaines de gros bras de la mafia. Plus récemment, la station Prince Edward a été le terrain d'un coup de force des policiers (les "Popo"), qui sont entrés dans les wagons pour matraquer et gazer plus ou moins indifféremment tout ce qui se trouvait là. 4 - Les slogans et codes propres au mouvement. Les manifestations sont aussi très codifiées. Les manifestants sont souvent habillés en T-shirts noirs, qui s'accordent harmonieusement avec les casques jaunes et les masques à gaz. On retrouve tout cela sur les posters. On voit aussi beaucoup de parapluie, car c'est un accessoire utilisé par les manifestants pour se protéger des gaz lacrymogènes et de la vidéosurveillance, mais surtout car c'est un rappel des grandes manifestations de 2014, entrées dans l'histoire comme le "mouvement des parapluies". Cette année, deux slogans font florès : "A revolution of our times" et "Be Water" (une référence à Bruce Lee, suggérant qu'il faut développer un mode d'action fluide et percutant). Ca sonne bien, et c'est décliné sous toutes les formes. 5- La France ! ... à moins que ce ne soit Broadway. Les manifestants chantent volontiers la chanson "Do you hear the people sing", tirée de la comédie musicale, les misérables. Un truc, forcément repris dans l'iconographie du mouvement avec, par exemple, cette jolie référence à Delacroix (ci-dessous), sans sein à l'air, parce que, bon, on est à Hong Kong tout de même. Le choix de la référence n'est pas mauvaise. On est, somme toute, assez proche de la révolution de juillet : pour la défense de quelques libertés fondamentales et d'un semblant de représentation démocratique, plus que pour un vrai changement de régime et encore moins pour un changement de société. Le drapeau sur la barricade (ci-dessus) est celui de Hong Kong, mais en noir plutôt qu'en rouge. Le jaune était la couleur de la révolution des parapluies et le noir est définitivement celle d'aujourd'hui. Tout sauf le rouge ! Il ne viendrait à l'esprit de personne de brandir un drapeau rouge ; on est bien dans une révolte de jeunesse, mais pas dans un remake de mai 68 : les maos - les vrais -, c'est ceux d'en face. Et voilà le diaporama de notre petite collection.
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