Depuis le mois de juin, tous vos médias préférés font une concurrence sévère à ce blog en décrivant quotidiennement les tribulations de la société Hongkongaise. Il est donc temps pour nous aussi de faire un point sur les manifestations qui agitent la ville, histoire de répondre à tous les messages que nous recevons de France nous demandant si ça va, si on est en sécurité, si on peut vivre et travailler normalement, etc. Tout d’abord, un petit rappel des faits pour ceux qui vivraient dans yourte sans internet. Au printemps, le gouvernement de Hong Kong, dirigé par Carrie Lam (la « chief executive »), a décidé de passer une loi d’extradition vers plusieurs pays. Le fait divers qui a officiellement motivé cette décision, c’est le cas d’un Hongkongais qui a tué sa petite amie lors d’un voyage à Taiwan avant de revenir se réfugier à Hong Kong. En l’absence d’accord d’extradition, impossible de le renvoyer à Taiwan pour être jugé. Le hic, c’est que le projet de loi devait aussi ouvrir aux extraditions vers la Chine. Et, là, ça coince. Les défenseurs des droits de l’homme ont craint qu’Hong Kong ne soit plus un havre pour les dissidents Chinois et, plus généralement, pour la liberté d’expression. Il faut voir qu’on est dans un moment de montée des inquiétudes sur ce thème. Le gouvernement Chinois, ces dernières années, fait monter la pression sur toutes les sources de critiques, en Chine, mais aussi à l’étranger et bien sûr à Hong Kong. Cela passe, par exemple, par la contestation systématique de tous les discours qui ne correspondent pas aux points de vue officiels (comme n'importe quel discours, mais aussi dessin, design de site internet ou carte géographique qui laisserait entendre que Taïwan ou Hong Kong ne font pas partie du territoire Chinois ou auraient un statut autre que celui de simple province). A Hong Kong, cela s’est traduit aussi par l’enlèvement pur et simple de plusieurs libraires et éditeurs de textes dissidents, ou encore par le refus de renouveler le visa d’un journaliste du financial times qui avait eu le malheur d’organiser une réunion avec le dirigeant d’un micro-parti indépendantiste. Mais les dangereux droidelhomistes n’ont pas été les seuls à tirer la sonnette d’alarme contre la loi d'extradition. Les « milieux d’affaire » (si puissants à Hong Kong) ont aussi craint que ce soit une épée de Damocles sur la tête de tous ceux qui font des affaires en Chine, où il est si facile et si courant d’embastiller des hommes d’affaires sur des accusation de corruption. Bref, Carrie Lam a touché un point sensible. Il ne s’agit pas d’une atteinte à la démocratie, concept que le territoire n’a jamais vraiment expérimenté et qui n’est pas une revendication de tout premier plan au sein de la population. Mais c’est pire : c’est une atteinte à la liberté de faire du business, à la liberté d’expression et à l’état de droit, qui sont, eux, des principes qui ont toujours fait partie de l’ADN du territoire et l’une de ces spécificités dans le monde Chinois qui fondent le sentiment d’identification de la population. Il s’agit bien d’une crise identitaire. La plupart des manifestants ne veulent pas d'ailleurs pas de changement, mais juste le statut-quo ante (que « Hong Kong reste Hong Kong ») et de pouvoir clamer leur spécificité et leur fierté d’être hongkongais. Enfin, c’est aussi une crise générationnelle. Certes d'une façon moins prononcée que la « révolution des parapluies » de 2014 (mouvement qui a touché essentiellement la jeunesse qui réclamait avant tout plus de démocratie), mais tout de même. On s’en est fait parfois l’écho dans ce blog, mais rappelons que la vie n’est pas facile pour hongkongais. Les inégalités sont criantes, le logement hors de prix, les temps de travail restent très longs, le système de santé est fortement inégalitaire, la pression scolaire est écrasante, le système de retraite presque inexistant et la société est très conservatrice. Bref, la vie est dure et beaucoup de jeunes n’ont aucun d’espoir d’amélioration et sont résignés à avoir une carrière longue et pénible, à devoir supporter la charge de leurs parents vieillissants et à renoncer à avoir un ou plusieurs enfants faute de pouvoir les loger décemment et de leur payer les « bonnes écoles ». Ajoutons à cela l’échec cuisant de la « révolution des parapluies » qui a laissé beaucoup d’amertume chez les jeunes, ravivée l’hiver dernier lorsque les condamnations sévères ont fini par tomber sur les principaux leaders, et le compte est bon : il suffisait de discuter un peu avec quelques étudiants pour comprendre qu’ils avaient une grande envie de revanche et, littéralement, presque rien à perdre. Voilà pour la situation de fond qui a amené à des manifestations monstres et pacifiques au mois de juin. Elles ont été suivies par des mouvements plus violents, encouragés par l’obstination du pouvoir exécutif, qui s'est retrouvé coincé par la pression de Pékin et la volonté de ne pas perdre la face (oui, ce truc de "perdre la face", ça sonne comme un cliché sur le caractère chinois, mais pourtant des exemples nombreux ne cessent de nous en démontrer l’importance réelle). Bref, ça chauffe, d’où les images renvoyées par les télés du monde entier et les questions du type : « ça va ? c’est pas trop dangereux ?». Pour nous, qui avons vécu de loin la révolte des gilets jaunes, on se retrouve dans un jeu de miroir. A la question : « c’est pas trop dangereux, toutes ces manifestations ?», notre réponse favorite est « pas plus que pour vous avec les GJ ». Les manifestations (aussi massives qu’elles puissent être) tout comme les échauffourées (aussi impressionnantes qu’elles puissent être) sont bien évidement très localisées. Et comme n’importe quel français vivant à la fois loin d’un rond-point et des Champs Élysées, on vit totalement normalement. Comme pour les gilets jaunes, les manifestations occupent toutes les conversations et tout l’espace médiatique mais, à moins d’y participer directement, on ne voit et ne ressent rien ou presque. Plus encore, on en voit sans doute beaucoup moins que les français pendant l’hiver en jaune. En effet, on est à Hong Kong, et même si le territoire a connu des émeutes violentes tout au long de son histoire (pendant l’époque coloniale comme après), on est tout de même dans une société fondamentalement pacifique où tout désordre public est très mal vu. Ici, la perception de la violence n’est pas tout à fait la même que dans le pays de Robespierre. Crier et gesticuler en public est perçu comme un outrage sévère. Taggez un mur, jetez sur la voie une poubelle ou une barrière et vous passez directement du côté de l’émeute. Balancez une bouteille sur des CRS en armure et vous êtes à la limite du terrorisme. Alors oui, certaines manifestations sont violentes, avec gaz lacrymogène et tout le bazar mais c'est généralement à peu près du niveau d'une manif un peu chaude d’agriculteurs, d’étudiants ou de chauffeurs de taxi bien de chez nous. Ici, pas de gros tracteurs ou de camions pour tout bloquer, pas (ou presque pas ?) de manifestants armés de matraques ou autre, et pas de casseurs : au pire, les manifestants s’en prennent à la police et aux symboles du pouvoir, mais en aucun cas aux biens publics (métros, péages, mobilier urbain) et encore moins aux biens privés (vitrines, etc). Pour nous, les seuls signes évidents d’une tension ont été :
Sinon, on s’est quand même retrouvé deux fois dans une manif. La première, c’était en juin, au tout début du mouvement. En sortant d'un spectacle, Sandra et moi avons été jeter un œil à un rassemblement sur la voie rapide à proximité d’Admiralty où se trouve le siège du pouvoir. C’était assez étrange. Il y avait beaucoup de monde, et on n’a pas pu s’approcher de la tête de la colonne. Mais, là où on était, tout était extrêmement calme et pour tout dire étrangement silencieux. Il y avait une flopée de gens, plutôt jeunes, qui attendaient tranquillement que quelque chose se passe, ou pas. Presque personne ne parlait, beaucoup regardaient leur téléphone. Le truc spécial, c’est le niveau d’organisation. Des gens distribuaient des masques, d’autres avaient des stocks de bouteille d’eau, d’autres pouvaient sur simple demande vous envelopper les bras de films plastiques pour vous protéger des brulures causées par les lacrymo, etc. Tout cela vous était proposé par des jeunes gens souriants et aimables, comme des hôtesses d’accueils distribuant des goodies à l’entrée du salon de l'auto. Plutôt amusant ce contraste entre l’ambiance paisible, silencieuse et amicale et ces préparatifs guerriers… Mais comme il ne se passait rien, on est vite reparti (et d’ailleurs, il ne s’est rien passé de toute la nuit… ce n’est que deux jours plus tard que les manifestants ont envahi le parlement). La deuxième fois, c’était en famille, à l’aéroport lors de notre départ estival pour la France. Le terminal des arrivées était occupé par quelques centaines de manifestants, faisant un sit-in tranquille accompagné de slogans (« free Hong Kong ! »). Là encore, pas de violence, ni même de tension. Plutôt une ambiance bon enfant accompagnée par un soutien visible des passants. Et maintenant ? L’enjeu des prochains jours, pour nous, c’est la rentrée universitaire. Y aura-t-il des manifs sur les campus, des occupations, des boycotts de cours ? La réponse la semaine prochaine.
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Tout le monde connait Uluru, et plus encore ceux qui ont passé leurs années collèges collés devant le top 50 et les clips de Midnight Oil : C’est le gros caillou rouge devant lequel le chanteur chauve nous offre une démonstration de son déhanché si mémorable (soit dit en passant, Midnight Oil est un bon exemple du grand mouvement de repentance des années 80 et 90 : le tube « beds are burning » est un appel à la restitution des terres aux aborigènes… mais je m’égare). Après un vol rapide depuis Sydney, on a pris possession d’un bon gros 4x4 et posé nos bagages dans l’un des hôtels de l’unique resort posé en plein désert aux abords d’Uluru (Ayers Rock si on préfère la dénomination donnée par les colons plutôt que le nom aborigène). Les contraintes sur l’hébergement sont sans doute une bonne chose pour éviter la surpopulation touristique (même si on n'en est pas très loin déjà). Pourquoi tout ce chemin pour voir un gros caillou me direz-vous ? En fait, Uluru vaut quand même le détour. D’abord parce que c’est un bien beau caillou. Il est grand, parfaitement découpé ce qui lui donne l’aspect un peu surréaliste d’un météore planté dans le sol, et il offre des reflets rouges et oranges qui changent sans cesse. Comme tout le monde, on s’est trouvé un coin en bord de route pour observer le coucher de soleil. C’est long, mais on se sent petit et on ne s’en lasse pas. Le soir, on est allé profiter d’un petit spectacle de présentation de la culture aborigène. En plein désert, une famille aborigène présentait, dans un anglais bancal, quelques légendes et danses traditionnelles à un rare public assis sur des planches en bois. C’était pas totalement désagréable, mais le truc totalement amateur et foutraque ne nous a pas appris grand-chose. Ca a été l’occasion pour Sandra (moi j’ai fait l’impasse) de déguster une cuisse de kangourou (mal) cuite sous la braise. Rien d’inoubliable. Le lendemain, on a ignoré le lever du soleil : pas le courage de se lever hyper tôt pour poireauter une bonne heure dans le froid (dans le désert la température hivernale, très agréable en journée, tombe presque à zéro pendant la nuit). On s’est donc contenté d’une petite promenade autour du caillou avant de nous remettre en route. Car l’autre intérêt d’aller visite Uluru, c’est de faire la route vers Alice Springs, la capitale du Centre Rouge, à quelques 500 km de là. On est en plein désert, et il n’y a pas 36 options pour choisir sa route et ses étapes. On roule donc au milieu d’un paysage fait de terre rouge, de petits arbres et de buissons épineux. C’est très joli : rouge et vert, avec quelques collines rocheuses ici et là, et puis tout plein de rien ou de pas grand-chose. On croise des 4x4 poussiéreux et suréquipés (roues de secours, matériel de camping, jerrican d’eau et d’essence, branches de bois sur le toit pour le bivouac, etc). On s’arrête dans des stations-services improbables avec deux pompes, une épicerie, un bar et des emplacements de camping. Ambiance Bagdad café (là encore pour ceux qui ont connu les années 1980). On a fait étape dans l’un de ces lieux qui proposait des petites cabines en toile de tente. Les débutants qui, comme nous, n’étaient pas équipés en matériel de camping pouvaient, pour un prix effarant, s’y installer pour dormir sur des petits lits de camp. Pas super confortable, mais tout à fait dépaysant et sympathique. Les enfants n’ont pas bougé du feu de camp. Ils sont du inspirer l’équivalent de leur poids en poussières et suie à force d’alimenter et souffler sur le feu. Ils étaient ravis. Après avoir épuisé les ressources de ce coin de désert, dont une très jolie randonnée dans le sublime King’s canyon, et une visite-découverte de la culture aborigène (bien mieux que la précédente et où l’on a pu déguster de grosses larves grillées), on a poursuivi notre route vers Alice Springs. Sur ce coup, la pression était à hauteur du challenge imposé par le calendrier. On était à la mi-juillet, le jour crucial où il fallait inscrire les enfants pour leurs activités extra-scolaire du lycée français de Hong Kong. On savait d’expérience que tout se joue à la minute près : dès l’ouverture du portail internet, toutes les places disponibles partent en quelques minutes. Vu qu’on a 3 enfants et qu’on n’est que deux parents, il vaut mieux être bien calés dans les starting-blocks, avec plusieurs ordinateurs et ipad sous la main. Le hic, c’est qu’au beau milieu de l’Australie, il ne faut trop compter sur le wifi ou la 3G. On devait donc s’enfiler plus de 150 km de piste puis autant de bonne route et arriver avant l’heure fatidique à Alice Springs, seule vraie oasis numérique dans ce désert. On a commencé par douter un peu. D’abord parce que la station-service de notre camping était à sec de diesel : on a du croiser les doigts pour espérer que la prochaine, à quelques 70 km, avait encore un peu de stock. Ensuite parce que la première portion de piste était bien plus dégradée que prévue. Pour une raison inconnue, la route était faite de petites vaguelettes, comme une tôle ondulée, mais aussi de bonnes grosses ornières. 150km, à 30 km/heure, ça risquait d’être long. Heureusement, ca s’est progressivement amélioré et on a pu appuyer un peu sur le champignon pour bringuebaler à vive allure dans un gros nuage de poussière rouge et un vacarme assourdissant. Le résultat a été (encore une fois) à la hauteur des talents de planification de Sandra : les trois mômes vont pouvoir goûter à la joie du foot et du basket entre copains. Nous voilà donc, après une longue route, à Alice Springs, telle Priscilla et ses copines folles du désert (tiens, une référence des année 1990, on avance). On avait prévu d’y passer deux nuits. Il nous est vite apparu que c’était un peu généreux. Alice Springs est une pastille urbaine plantée au milieu du désert et même si elle joue un rôle important dans ce vaste territoire, elle n’est qu’une bourgade endormie de moins de 30 000 habitants. Pas grand-chose à y faire. Pour dire : on s'est même résigné, un soir, à aller voir Toys Story 4 au cinéma. Un peu de shopping (dont l’achat d’un indispensable chapeau de ranger de l’outback australien). Quelques visites de petits parcs animaliers qui présentaient la faune du désert (des serpents, des lézards, des rapaces, des rongeurs…). Et puis on a visité toutes les galeries d’art aborigène. Aucun aborigène dans ces lieux assez chics présentant des créations hors de prix, inspirées des arts ancestraux. Des aborigènes, en revanche, on en voit partout en ville. C’est un peu… étrange. La plupart affichent un air un bourru, et déambulent en petits groupes, apparemment sans but. Bref, ils semblent vivre dans un monde distinct, séparé du reste de la ville… on est dans une coexistence pacifique, mais semble-t-il assez loin de la fraternité souriante célébrée par les messages volontaristes des musées de Sydney. Après Alice Springs, on a repris l’avion pour Darwin, tout au Nord du continent. Une beaucoup plus grosse ville, dotée notamment de deux bons musées. Le musée du territoire du nord présente des œuvres aborigènes, des descriptions de la faune et flore locale, et un peu d’histoire avec la présentation des dégâts du cyclone Tracy qui a détruit la quasi-totalité de ville durant la nuit de Noël 1974. L’autre musée propose une reconstitution 3D du bombardement de la ville par les Japonais (le Pearl Harbour local) et une exposition de l’histoire des « Flying Doctors », ce service de médecine ambulante par avion, développé pour répondre aux besoins de ce territoire immense et très peu dense. Mais si on est venu à Darwin, c’est surtout pour visiter la région et ses parcs nationaux (dont le fameux Kakadu). Ici le désert laisse progressivement place à un paysage plus marécageux et plus verts. Toujours des grands d’espaces, une faible densité et très peu d’hôtels. On était encore condamnés au camping. Mais, là, on a laissé tomber le 4x4 pour s’entasser dans un magnifique camping-car tout blanc. C’est gros ! Mais à cinq à l’intérieur, c’est pas non plus super spacieux. Un lit double dans l’espace au-dessus de la cabine de pilotage, un lit double tout à l’arrière et une banquette-salon-salle à manger qui se transforme en lit la nuit venue. Après, il reste un petit couloir-cuisine où il faut calculer tous ses gestes pour éviter les bousculades et les couacs. Il y a aussi une cabine de douche-toilettes, mais on a d’emblée décidé qu’on allait s’en passer : pour 4 jours on pouvait éviter les corvée de vidange et se contenter des sanitaires collectifs offerts par les campings. Aussi mastoc que notre engin à 6 places puisse être, on avait du mal à cacher notre amateurisme face à nos voisins de camping. Les vacances en Australie étant finies, les campings étaient essentiellement peuplés de couples sans enfants et souvent assez âgés… et tous hyper équipés de caravanes géantes ou de pick-up énormes où il suffit de tirer quelques poignées pour faire apparaitre un espace de couchage, une cuisinière, une machine à laver, etc… Le soir, les gens se couchent tôt, après une bonne bière dégustée assis dans une chaise pliante, en regardant les wallabies sautiller çà et là entre les caravanes. C’est sympa le camping-car. Ca se conduit bien sur les routes paisibles et larges d’Australie. Les enfants à l’arrière peuvent jouer ou faire leurs devoirs de vacances. Les petits déjeuners à l’extérieur dans la lumière matinale sont aussi très sympa, tout comme le fait de tout plier vite-fait pour repartir dès les tartines avalées. Parce que, là encore, il ne fallait pas trop trainer si on voulait avoir le temps de traverser les parcs nationaux. Outre les paysages grandioses, les balades en forêt et les peintures rupestres, la spécialité de ce coin d’Australie c’est le croco. On en trouve dans toutes les rivières, zones marécageuses et billabongs (on a appris qu’avant d’être une marque de fringues pour surfeur, ce mot désigne un bras de rivière mort et presque asseché à la saison chaude). Pour mieux les observer, on a fait deux tours en bateau qui permettaient de nous approcher un peu sans danger. C’est pas que ces bestioles apprécient particulièrement la chair humaine, mais leur taille coupe d’emblée toute envie de tester leur hospitalité. Après cette bonne dose de crocodiles et de wallabies, on a mis le cap vers Cairns, notre dernière étape. Cairns, c’est au Nord Est du pays, sur la côté (forcément). C’est une chouette ville, beaucoup plus grande et animée que tout ce qu’on a vu depuis Sydney, posée en bord de mer entre de grandes collines verdoyantes (un peu comme Hong Kong, mais sans les gratte-ciel). L’animation touristique de Cairns tient beaucoup à sa proximité d’une partie de la grande barrière de corail qui était bien sûr à notre menu. Pour la voir de plus près, on s’est embarqué avec une poignée d’autres touristes pour une virée d’une journée sur un voilier. L’avantage du voilier, c’est que c’est petit et donc plus intime que les gros yacht. L’inconvénient, c’est que ce n’est pas rapide. Et la barrière n’est pas franchement tout près. Il nous a fallu près de deux heures pour arriver sur un premier site de plongée. Deux heures de vent froid et de roulis assez sérieux (on a un peu serré les dents mais personne n’a été malade). Une fois sur la barrière, on est loin de la côte, mais le fond est assez haut, au point qu’on peut avoir pied à certains endroits. Tout le monde s’est équipé de combinaisons de plongée, de masques, tubas et palmes et zou, à l’eau. Ouh ! On est en pleine mer, il y a du vent, l’eau est froide et assez agitée. Nos deux garçons se tenaient à une grande bouée tractée par l’un des accompagnateurs. Mais c’était vraiment froid (leurs combis d’enfant étaient assez fines) et plutôt impressionnant. Ils n’ont donc fait qu’un petit tour, avant de remonter dans le bateau, tout tremblants et les lèvres bleues. Pour les autres, l’expérience a été plus agréable. Les coraux sont tous proches et les poissons très nombreux. On passe au-dessus d’étoiles de mer bleu Klein, de raies, de poissons-clown… un vrai aquarium. Je suis même tombé nez à nez avec un barracuda, qui bloquait tranquillement l’accès à l’échelle du bateau. Une petite frayeur, cette rencontre à la jurassic park. Les accompagnateurs nous avaient bien expliqué qu’ils étaient pacifiques, mais, bon, leur taille et leur grandes dents poussant dans tous les sens n’incitaient à aller y voir de plus près. Depuis le bateau, on a pu aussi voir des tortues de mer respirer à la surface et, sur le chemin du retour, deux baleines souffler au loin. Le lendemain, Sandra nous a embarqué dans un petit zinc pour un survol d’une petite heure au-dessus de la barrière. Je n’étais pas très chaud pour cette sortie qui perforait trop ostensiblement tous les critères de l’éco-responsabilité. Mais bon, c’est le coup d’une vie, et puis, après des milliers de kilomètres en avion et en véhicules énormes, on n’en était déjà plus là. Et, de fait, c’était franchement pas mal. On voit l’étendue impressionnante de la barrière, la diversité des couleurs et des formes des différents ilots. Autant de choses qu’on ne peut pas percevoir d’en bas. La vue sur Cairns et sa couronne de montagnes vaut aussi le coup. Après tout cela, il nous restait deux jours pour faire un tour vers Port Douglas (un peu plus au Nord) et la jungle tropicale. Ici, moins de dépaysement pour nous qui avons passé tant de vacances sous les tropiques ces dernières années, mais un changement d’ambiance tout de même fort sympathique. Après tout cela, il était enfin temps de rentrer à Hong Kong. Deux jours pour faire des lessives avant de repartir pour la France, notamment pour chercher une maison à acheter car, cette fois, c’est sûr, on rentre dans un an. Mois de juillet. C'est les vacances. Il y a un an on s'imaginait qu'on serait à cette époque en plein déménagement, sur la route du retour en France. Mais tout compte fait, on ne rentre pas. On était donc tout désœuvrés pour ce mois de juillet et la solution pour sortir par le haut s'est imposée rapidement : partir pour un bon gros voyage en Australie. L’Australie, c’est d’abord (en tout cas pour moi) l’excitation et l’étonnement permanent d’être au fin fond de l’autre bout du monde. C’est ensuite, de très grands espaces dans lequel il a fallu faire des choix drastiques et qu’il nous a fallu arpenter avec tous les moyens de transports possibles. C’est enfin de la nature et des animaux exotiques à chaque tournant. Le programme était donc roboratif. On a découpé le voyage en quatre gros morceaux : (1) Sydney (2) Uluru (3) Darwin (4) Cairns. ou bien : (1) La ville (2) le désert (3) les marais (4) la barrière de corail. ou bien : (1) Le ferry (2) le 4x4 (3) le camping-car (4) la voiture. Ou bien encore, une longue série de fréquentation de la faune locale : -Des wallabies (plein, partout, qui détalent en sautillant comme des lapins) -Des émeus (une fois) -Des grosses mouches (très pénibles autour d’Uluru) -Des crocodiles (pleins) -Des chauve-souris géantes (plein aussi) -Des perroquets (des petits verts et des gros blancs, partout en ville comme des pigeons) -Des koala (mais au zoo seulement) -Un barracuda (ça fait peur) -Des tortues de mer (de loin) -Des baleines (d’encore plus loin) -Des poissons clown (et plein d’autres tout aussi exotiques) -Des fourmis vertes (très jolies) Bref, c’était bien rempli. Alors reprenons, dans le détail. L’ Australie, c’est pas un secret, c’est loin. Même si de Hong Kong c’est pile deux fois moins loin que de la France, c’est quand même 12 heures de vol. On a donc débarqué à Sydney tout fatigués au petit matin. Le bon point c’est qu’on n’avait que deux heures de décalage horaire. En revanche, on n’avait pas totalement anticipé le fait qu’à Sydney, en Juillet, c’est le fin fond de l’hiver. On avait bien prévu qu’il pouvait faire froid (mais comme il faisait beau ça allait). En revanche, on n’avait pas imaginé qu’en hiver, il règne une lumière… d’hiver : soleil raz toute la journée comme dans un pays nordique et nuit qui tombe à 17h. Bref, Sydney baignait dans une ambiance de noël, qui nous a semblé très exotique après tous ces hivers passés sous les tropiques où la lumière ne change guère d'une saison à l'autre.
En plus de ce petit côté nordique somme toute bien sympathique, Sydney nous a offert une étape très agréable. C’est vraiment chouette. On avait réservé une petite maison Airbnb hyper mignonne, à Balmain, une banlieue résidentielle tendance hipster austral (barber shop, pubs à fauteuils clubs et fléchettes, boulangerie/coffee shop rivalisant sur les menus des brunchs, etc). La maison, plantée au milieu des arbres et remplie de vieux meubles scandinaves, offrait une vue bien sympathique sur la baie de Sydney. L’ambiance tranquille et la lumière tamisée ne nous incitant guère au stakhanovisme touristique, on a passé quelques belles matinées à observer les perroquets verts glandouiller dans les arbres et à tenter de comprendre les règles du cricket et du football australien en regardant les rediffusions des matchs du week-end (un échec total, mais peu importe pour les enfants de toute façon ravis de regarder la télé au petit déjeuner). Pour aller en centre-ville, il nous fallait prendre un ferry, véritable autobus flottant, qui offrait une belle balade dans la baie. Malgré quelques résidus d’un urbanisme des année 60-70 dédié à la voiture-reine, c’est très agréable Sydney. On y trouve un vieux centre-ville avec de grands immeubles du 19e siècle, de style très européen (c’est toujours un peu surprenant de trouver à l’autre bout du monde ces petits morceaux d’Angleterre : bâtiments d’inspiration Victorienne, pubs, etc), des rues calmes où l’on a des enfilades de petites maisons typiquement Sydnéennes (deux étages protégés par des grilles en fer forgé), des fronts de mer avec des restaurants de fish & chips, des quartiers piétonniers (dont « The Rocks », l’ancien quartier populaire construit au pied du fameux Harbour bridge, devenu un coin très agréablement réhabilité et très touristique – un musée raconte l’histoire du quartier, depuis l’arrivée des premiers colons et des forçats qui ont creusé la montagne jusqu’à la lutte des habitants contre la destruction et la bétonisation du quartier)… Dès le premier jour, on s’est équipé de maillots d’équipe de sport qui sont la nouvelle passion des enfants (Avril a récupéré un maillot des Wallabies, Ulysse celui de l’équipe australienne de foot, et Pierre - qui nous a demandé avant qui étaient les plus forts au rugby – s’est retrouvé avec un maillot des All Blacks). On est aussi passé par plusieurs musées, notamment l’excellent musée maritime (planté en plein milieu du port, il permet de monter à bord de plusieurs grands voiliers, d’une corvette – à moins que ce soit un croiseur ou un autre truc dans ce genre – et d’un sous-marin), et l’Australian Museum qui nous a offert une préparation bien utile à la poursuite du voyage en donnant un aperçu de l’histoire du pays, de sa géographie et de sa faune. Notamment, on a entrevu le traitement assez particulier de la question aborigène. Ce musée très officiel et très national affirmait avec un volontarisme mal dissimulé que l’Australie était avant tout la terre des aborigène. Par exemple, les petits panneaux explicatifs nous parlaient, avec une ingénuité un peu sur-jouée, de la période d’avant l’invasion (sic) par les Européens. Ce mouvement de reconnaissance des droits des aborigènes et des mauvais traitements imposés par les européens est en fait assez récent. Le drapeau des aborigènes d’Australie, noir jaune et rouge, a été créé au début des années 1970 et a été reconnu comme co-drapeau officiel dans les années 1990. On imagine volontiers que tout cela ne s’est pas fait sans heurts et que de nombreux petits Zemmours australs continuent à s’étrangler de rage devant ces exercices de repentance. Mais cela donne une certaine profondeur et une spécificité au récit national. Le soir, Sandra nous avait réservé un spectacle de cirque/hip-hop dans l’iconique opéra. Le spectacle a plu aux petits et aux grands et la découverte de l’intérieur des fameuses coquilles valait clairement le détour. Ensuite, un coup de ferry dans la nuit et nous étions de retour chez nous. Le troisième jour, on a retrouvé la famille de Louise, une copine d’Avril, qui faisait aussi un petit tour en Australie avant de s’expatrier à nouveau vers l’Espagne. Ainsi va la vie du petit monde du lycée français : voyages aux quatre coins du monde et turnover incessant… Pour notre dernière journée dans la grande ville, on a pris le bus pour aller à la plage : Bondi Beach, un haut lieu du surf australien. Le vent glacial n’a pas arrêté les surfeur et le spectacle des immenses vagues d’eau translucide, sur cette plage si proche du centre-ville était assez enivrant. Bondi Beach accueille aussi l’une des célèbres piscine d’eau de mer, construite à même la falaise et qui se rempli au grès des vagues qui s’y fracassent avec fureur. C’est très photogénique. C’est sûr qu’on n’a pas tout vu de Sydney, et notamment qu’on a du faire une croix sur la campagne environnante, mais c’est avec l’âme bien reposée par la douceur de vivre qu’on s’est envolé vers l'outback : Uluru et le « Red Center ». (A suivre...) |
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