Le pire des scénarios s'écrit maintenant. Toutes les activités prévues pour les enfants y compris celles dans le camp de surf sont annulées. Les magasins ressortent les piles de masques (bon normalement ils ont des stocks) et les magasins limitent les achats. Je crains en fait que cela ait l'effet inverse et amène les gens à stocker encore plus.
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La fin de notre séjour à Hong Kong va être moins festif que prévu. On sentait que les plus de 20 nouveaux cas "locaux" en orange sur le graphique allaient déclencher une réaction brutale du gouvernement. Ainsi après prés de deux mois sans aucun cas sauf les cas importés (en bleu) début juillet sont apparus des cas isolés puis des grappes de gens qui n'avaient aucune idée de pourquoi ils testaient positifs. Est ce qu'ils ont été en contact avec des mainlanders "haut profil" ou des personnels navigants infectés qui étaient les seuls à échapper au test systématique ou à la quarantaine obligatoire? On ne saura sans doute jamais mais les cas s'accumulent: personnes âgées dans les nouveaux territoires, élèves dans un centre d'enseignement sur l'île, serveurs de restaurant à côté de chez nous, officier des douanes à la frontière avec Shenzhen. Il n'y en a jamais eu autant même lors de la seconde vague en mars. Hier, 13 juillet Carrie LAM a donc annoncé à 20h l'inévitable: le retour aux règles du mois de mars (pas de regroupement de plus de 4 personnes, fermeture des installations sportives dont les piscines, salles de jeux, des cinés, gyms, salons de massage etc) en plus strict car les restaurants ne pourront que vendre à emporter à partir de 18h. C'en est fini de nos plans de diners en extérieur avec les amis. Aux oubliettes le repas avec les collègues de l'université et surtout notre fête de départ avec tout le monde dimanche.
Le camp multi-sport (en gymnase)) des enfants se termine prématurément aujourd'hui. On croise les doigts pour que le camp d'activités aquatiques de la semaine prochaine soit maintenue même cela va être plus compliqué qu'en mars où le centre avait tenu bon en dépit de l'obligation d'être par groupe de 4 max. J'avais annoncé aux enfants que c'en était fini des ballades/randonnées... je pense qu'il va falloir ruser car il n'y a presque plus que cela à faire avec la plage. On n'est pas à plaindre évidemment mais je ne me réjouis pas du tout de diner le soir dans notre chambre d'hôtel. Avec les discussions sur l'obligation de tester les nouveaux arrivants en France et les annulations des vols AirFrance, j'avoue que j'ai vraiment hâte d'être en France! Dimanche dernier pour nous changer les idées et nous dégourdir les jambes Matthieu et moi avons vendu aux enfants la ballade de Ng Tung Chai Waterfall parsemée de chutes d'eau. J'avais bien vu qu'entre les 5 chutes d'eau il y avait pas mal de marche à faire en montée mais j'espérais que les enfants soient d'attaque. On y est allé en taxi pour être déposé au plus proche et éviter des km superflus et grand bien nous en a pris. On a fait nos premiers pas à 10h, très vite une micro chute, une pause mais pas le temps de s'arrêter. Les guides parlaient d'une marche de 3 heures non stop, si vous voulez d'arrêter à chaque chute et rentrer pour le gouter il ne fallait pas trainer. Après 30-40 minutes en montée douce on arrive à bottom fall. On était bien trempés de sueur et donc les enfants et Matthieu n'ont pas hésité à piquer une tête. 10 minutes plus loin une autre chute et un autre bassin. On a continué et atteint une nouvelle chute qui n'était pas dans la liste, et bizarrement c'était là où le bassin était le plus profond et où il y avait le moins de monde. D'ailleurs, il y avait de manière surprenante pas grand monde. Quelques grappes de marcheurs hong kongais agguéris et sur-équipés et des gweilos bien rougis par l'effort dont on faisait partie. Les locaux ne se baignant que rarement on avait les piscines naturelles pour nous seuls. On a fait notre pique nique à la chute sans nom car il allait nous falloir des forces pour atteindre la "main fall". La main fall était la plus haute et la plus impressionnante mais le bassin était trop peu profond pour s'immerger en entier. Pieds nus, sans chaussures de rivière c'était peu agréable et là par contre il y avait une vingtaine de personnes. J'ai bien senti que les enfants qui avaient vu des gens repartir dans le sens inverse commençaient à s'inquiéter de la suite du programme. Il ne fallait pas leur laisser de choix et continuer le circuit qui était une boucle : encore de la montée jusqu'à la "scatter fall" puis une heure de descente bien raide pour dévaler tout ce qu'on avait monté. A scatter fall on s'est donc baigné pour la dernière fois et nous sommes engagés sur le chemin du retour. Les râleries ont commencé, nos genoux et chevilles ont souffert dans la descente mais les enfants ont quand même reconnu que c'était pas mal. A 15h on a récompensé tout le monde avec un coca glacé vendu par un riverain qui n'a pas perdu le sens du business puis on a sauté dans un bus pour rentrer. Il n'avait pas de taxis rouges qui répondaient à ma commande mais comme c'était dimanche il y avait des bus. Ce n'est en fait pas le bon du monde, en 15 mn de bus on était à la station de MTR Tai Wo reliée en 30 mn à notre hôtel mais, et c'est la magie de HK, pendant 5 heures on était dans la jungle!
Vendredi dernier le 10 juillet, on a déménagé. On avait un peu commencé à trier pour éviter de se retrouver avec des affaires dont on aura plus besoin en France (en vrac, combi de plongée, vêtements du LFI, jeux pour petits et livres de CP). Le groupe facebook French HK mums est très efficace pour se débarrasser de ses affaires que ce soit les bouquins, l'électroménager ou les affaires d'enfants. On poste une photo et un prix et souvent en moins d'une heure on a trouvé quelqu'un qu'on retrouve dans une station de MTR ou au LFI ou au Marks & Spencer de Central. Comme la compagne de déménagement nous disait que nos affaires rentraient tout juste dans un petit container de 20 pieds on a bradé et donné: aquarium, plantes, lits. Pas la peine de revenir en France avec les deux lits pour enfant qui étaient faits pour les chambres minuscules d'ici. On a vendu aux deux grands un nouvel agencement de leur chambre avec un bureau. Pierre est le seul à avoir voulu conserver son lit en hauteur. L'appartement commençait déjà à être plus aéré quand vendredi matin l'équipe de relosmart a débarqué: à 5 et en quand même 6 heures ils ont tout embarqué. Ils ont été tellement généreux sur les emballages, le papier craft et le revêtement bulle que je pense déjà à ma montagne de déchets que l'on aura à l'arrivée. Les enfants qui avaient tennis le matin sont revenus sur l'heure du déjeuner et on a improvisé dans la chambre d'Avril où on s'était réfugié un pique nique des restes des placards. Autour de nous tous ce qu'on garde pour les 15 jours qu'il nous reste à Hong Kong et la France en attendant de récupérer le container. Les enfants sont ensuite repartis pour leur atelier de construction STEAM-Lego. J'ai filé au Royal Plaza Hotel, notre nouvelle demeure. On a loué un espèce d'appartement qui couple une chambre classique au grand lit double avec une espèce de micro suite où on a fait installer 3 lits simples. C'est plutôt confortable et on peut prendre le petit déjeuner et faire des activités sur une table avec 4 tabourets, mais pas 5. L'hotel doté d'une piscine est dans un immense mall de sorte que le starbucks est à 10m du lobby de l'hotel ainsi qu'un tas de resto et une food court. Tout semble évidemment sans intérêt maintenant (update du 14 juillet) que tout referme (plus de resto, plus de piscine, retour à la règle des groupes de max 4 persponnes...) mais bon il semble y avoir un room service correct.
La nouvelle loi sur la sécurité nationale est entrée en vigueur le 30 juin dernier. L'impact sur l'ambiance a été immédiat et étonnamment visible. La loi a été écrite directement à Pékin et elle est l'un des meilleurs exemple d'une spécificité du savoir-faire législatif du parti communiste chinois: elle est incroyablement imprécise. Ce flou est totalement volontaire. Par exemple, jusqu'au moment de sa promulgation, personne ne savait quels seraient les contours exacts de la loi (quels "crimes" seraient visés, y aura-t-il des peines de prison à vie, sera-t-elle rétroactive?...). Et une fois promulguée, les hongkongais n'étaient pas vraiment avancés : l'encouragement à la sécession, à la subversion, au terrorisme et à la collusion avec les pays étrangers sont punis, éventuellement d'emprisonnement à vie. Mais rien ne définit précisément ces notions. Crier "Free Hong Kong", est-ce un appel à la sécession ? Ecrire une tribune pour demander que les pays démocratiques émettent des protestations, est-ce de la collusion avec des puissances étrangères ? Lancer une poubelle sur un CRS pendant une manif, est-ce du terrorisme ?, etc. Rien non plus n'est dit sur la question de la rétroactivité de la loi, ni dans un sens, ni dans l'autre. La loi prévoit aussi que certains crimes commis à Hong Kong pourront être jugés en Chine, éventuellement à huis clos. Mais quels crimes ? Comment ? On n'en sait rien. Ce flou est bien pratique. Il permet aux autorités chinoise d'interpréter la loi comme bon leur semble. Pour punir un opposant qui aurait tenté de jouer avec les lignes, il suffit de changer les lignes pour qu'il se retrouve du mauvais côté. Dans le même temps, cela permet de dire que cette loi, bien sûr, n'empêche en rien les activités économiques, la liberté de parole, la liberté de la presse... puisque rien dans le texte ne le dit. On peut aussi affirmer que cette loi n'est pas si différente de beaucoup de textes en vigueur dans les pays démocratiques. Ce n'est assurément pas faux si on prend le texte au pied de la lettre (partout le terrorisme, l'espionnage, l'atteinte à la sécurité de l'état sont punis sévèrement). Mais c'est oublier justement tout ce flou qui ne permet aucune assurance et aucun recours. Le flou crée de l'incertitude, l'incertitude crée de la peur, la peur crée de l'auto-censure, et on gagne à tous les coups : les contestataires ont peur et se taisent, sans qu'on ait besoin de sortir la matraque. Cela permet de dire que c'est bien les gens qui ont décidé eux-même de cesser de critiques, que donc la loi n'est pas bien sévère, que tout cela est très respectueux des libertés individuelles et que les gens étaient simplement manipulés et désinformés par une poignée d'exaltés mal intentionnés. Un petit exemple ? Aujourd'hui Erick Tsang, l'un des haut responsable du gouvernement de Hong Kong, a donné une interview pour dire, en toute tranquillité, que ceux qui organisent et participent aux primaires visant à élire les candidats du mouvement pro-démocratie aux élections de septembre prochain pourraient être susceptibles de violer la nouvelle loi. En effet, si ces primaires ont pour objectif de gagner une majorité au parlement pour des député qui veulent voter contre la loi de finance annuelle, cela pourrait s'apparenter à une volonté de sécession, ce qui est punissable. En gros, il y a bien des élections libres, mais si on se présente, fait campagne ou vote pour quelqu'un qui, une fois élu, va voter contre le gouvernement, on pourrait aller en prison. Mais notez bien tous les conditionnels et prenez donc garde à ne pas y voir une atteinte à la démocratie : tout cela n'est pas du tout certain et sera laissé à l'appréciation des juges qui sont chargés de faire appliquer la loi. L'une des difficultés, est en effet de faire coexister cette loi avec le système juridique de Hong Kong, inspiré de la common law anglaise. Ici, ce sont les juges qui précisent les loi au fil de leur décisions. Il faut donc s'attendre, à l'avenir, à quelques passes d'armes entre les autorités et le système judiciaire. C'est un sujet délicat car le système judiciaire de Hong Kong, de part son indépendance et sa fiabilité, sont la garantie de l'état de droit qui a fait la fortune de Hong Kong. Si les investisseurs internationaux acceptent de placer leurs billes à Hong Kong, d'envoyer des expat et d'organiser des meeting avec les grosses huiles des groupes multinationaux, c'est qu'ici on peut avoir confiance en la loi. Jusqu'à maintenant, pas de risque d'expropriation, pas de crainte de corruption, pas de peur d'être soudainement arrêté pour une raison obscure. Enlever tout cela, c'est bien organiser la fin du "deux système" et c'est ruiner Hong Kong. Toute la semaine dernière, et encore maintenant, la ville s'est adaptée à ce flou et a commencé à apprendre à marcher dans le brouillard. Des juges sont intervenus pour interpréter la loi, aussitôt contredits par le gouvernement. Les juristes ont épluché les textes et ont trouvé des différences notables entre les versions chinoises et anglaises (notamment sur la liberté académique dans les universités). Au-delà même d'ajouter encore au flou, cela a soulevé une nouvelle polémique car, en affirmant que la version chinoise devait prévaloir, le gouvernement enfreint la constitution qui garantit que les deux langues sont officielles et d'importance égale. Lors des manifestations du 1er juillet (fête nationale, commémorant la rétrocession), la police à brandi une nouvelle banderole prévenant les manifestant que les slogans qu'ils chantaient "pouvaient" tomber sous le coup de la nouvelle loi, avant d'en arrêter une brochette. Le gouvernement a demandé aux bibliothèques municipales et des écoles de retirer les ouvrages susceptibles de contrevenir à la nouvelle loi. Il a aussi affirmé que le principal slogan des protestations de 2019-2020 "Liberate Hong Kong, A revolution of our Time" était un appel à la sécession et risquait de tomber sous le coup de la loi. Tout cela se fait à grand renfort de "susceptible de", "sans doute", "peut-être"... Il va être instructif de voir comment les juges vont traiter ces cas quand ils arriveront devant leurs tribunaux. Les gens doivent donc s'adapter à ce nouveau régime de la peur. Les comptes facebook se ferment, les tweet sont supprimés en masse. Les gens quittent WhatsApp pour se réfugier notamment sur signal.org (je conseille vivement cette messagerie en open source qui marche super bien). Les principaux partis protestataires se sont dissous, pour tenter de passer sous les radars. Les publicités qui remplissent les bandeaux des sites internets ne proposent plus que des VPN (pour garantir un respect de la vie privée en ligne et contourner la censure) ou des golden passports (la destination à la mode, c'est le Portugal : l'immobilier n'est pas cher, et il suffit d'acheter un appartement pour obtenir un passeport Shengen au bout de quelques années). Et puis les protestataires ont tenté de s'adapter. Comme brandir des drapeaux avec le slogan "Liberate Hong Kong, A revolution of our Time" risque de leur coûter la prison, ils ont commencé à diffuser des versions, où les 8 caractères chinois ont été remplacés par des signes abstraits. Ils ont aussi remplacé les fameux Lennon Wall (ces murs couverts de post-it où chacun pouvait écrire un petit message de protestation) par des Lennon Wall muets faits de post-it vierges. Le week-end dernier, un petit groupe c'est réuni dans un centre commercial pour brandir en silence des pancartes entièrement blanches. Ils ont été embastillés quand même... au nom de la nouvelle loi. On attend de voir comment les juges font se débrouiller avec ces cas. Avec tout ça, le coronavirus revient en force depuis deux jours. Vivement qu'on parte... |
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