Dimanche dernier nous avons poussé tout au nord de la ligne rouge du MTR, l'axe nord sud du réseau de métro de Hong Kong. La motivation principale était d'aller visiter un projet pionnier de réhabilitation de bâtiment industriel appelé The Mills. The Mills est un projet de reconversion des anciennes usines textiles du Nan Fung Textiles Group pour en faire un lieu mélangeant musée, culture et shopping. Le site web promettait “Le projet visant à réinventer notre vision du développement à Hong Kong et honorer notre histoire tout en construisant l'avenir”. Les lieux sont beaux et lumineux. Le musée, censé présenter le passé industriel du lieu, est en revanche un peu décevant : une pièce avec 3 machines est un témoignage bien pauvre des conditions de travail de l’époque. Les activités textiles représentaient dans les années 50, date de création du lieu, un bon tiers de l'emploi à Hong Kong. Les usines aux dures conditions de travail absorbaient un flux continu de travailleurs venant de Chine. Les salaires leur permettaient à peine de louer des taudis dans les bidonvilles voisins. De ça rien. Les vidéos montrent plutôt les technologies de filage, illustrées avec des images de machines modernes en activité en Chine aujourd’hui. Il faisait tellement froid dans les salles du musée qu'on a pas fait de vieux os. On a fait un peu de lèche vitrine : Matthieu a acheté une écharpe et des gourdes en métal dans un magasin prônant le zéro déchet. Il y a trouvé la brosse à dent en bambou qui était en rupture de stock dans le magasin écolo de Kennedy Town. Les enfants auraient bien aimé acheter des legos en bois mais bon vu le stock qu'ils ont en plastique je pense que la planète se portera mieux sans cet achat. On a mangé des hamburgers dans un espèce de “diner” américain : mais attention des hamburgers “impossible” pour les adultes, la viande est remplacée par des céréales et c'est plutôt réussi. Il était 13:30 et les enfants nous pressaient de rentrer (sauf Avril qui voulait qu’on lui achète un nouveau cartable). J'avais repéré un "cat café" et donc je les ai forcés à repousser l’heure du retour. On s'est retrouvé dans un espace de 50 mètres carrés peuplé de chats angoras plus gros les uns que les autres. Au programme café et jus, des jeux de société et des chats qui se baladent et viennent te voir si tu les nourris. Les garçons ont joué à des jeux de société tandis qu’Avril distribuait des espèces de croquettes à des chats ingrats (des chats quoi). Je pense que cette expérience a eu un double bénéfice: 1/ on peut rayer le cat café de la liste des choses à faire et 2/ ça a démontré aux enfants qu’avoir un chat est d'un intérêt quasi nul. Pierre est rentré avec son père pour aller jouer au foot. Avril et Ulysse qui avaient flairé le plan shopping ont préféré faire un crochet par SMIGGLE. Avril y a dégoté un beau cartable violet à roulette et Ulysse des espèces de babioles en plastique. Pas très écolo, mais bon on avait été tellement raisonnable au Mills qu’il fallait se rattraper.
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La fin d’année est intense. Aux spectacles de l’école, se sont ajoutés ceux des activités extra scolaires. Puis les petits déjeuners d'au-revoir pour donner les cadeaux aux instituteurs, puis les rendez-vous de débriefing des enseignants. Matthieu et moi ne comptons plus les aller-retour à l’école qui est quand même à l’opposé de notre appartement et encore plus éloignée de notre travail. Bref, le mois de juin a été de nature à écourter nos journées de travail. Se rajoutent aussi les fêtes d’anniversaire des enfants nés en juin et de ceux nés pendant l'été, fêtés par anticipation. Ce week-end était particulièrement chargé. Ulysse a ouvert le bal avec une soirée d’anniversaire dans un resto/salle de jeux/circuit de kart dès vendredi soir. Matthieu en est revenu, la tête bien remplie de hurlements d’enfants et de sons de jeux électroniques. Pendant ce temps je mettais au point les détails de la journée du samedi. Pierre avait été invité à un anniversaire de 10h à 13h30 sur la partie est de Kowloon alors que nous avions programmé sa propre fête (il aura 6 ans le 1er juillet) à 14h sur la plage de repulse bay au sud-ouest de l’île de Hong Kong. Là-dessus Avril s’est vue proposer une séance anniversaire chez Ryze de 12h à 14h. Bref, c’était la journée des transhumances d’autant qu’Ulysse avait cours de skate le matin sur l’île de l’aéroport et qu’il fallait absolument sécuriser un arbre avec de l’ombre dès le matin sur la plage de repulse bay. À trois adultes, Marika, Matthieu et moi nous ne pouvions pas tout faire. On a recouru à ce qui se pratique de plus en plus : le covoiturage d’enfants. Là, c’est Avril qui a expérimenté intégralement en se faisant amener et récupérer par les parents ou la helper de copines. On a du coup pas croisé les parents invitants. Ça fait bizarre quand ça t'arrive à toi : un gamin arrive à la fête que tu organises et en repart sans que tu vois les parents. Bon en même temps c’est le gamin que tu invites mais quand même. L’organisation a ressemblé à cela : J’ai amené Pierre à l’anniversaire de Jean à 10h. Je suis allée amener Avril chez des amis qui amèneraient Avril (et 2 autres copine - tant qu’à faire autant avoir 4 que 2 filles avec soi) et ai récupéré une gamine que Pierre avait invité, mais qui n’allait pas à l’anniversaire du matin. Avec la copine ainsi récupéré, j'ai attrapé Pierre et deux autres copains. Direction la plage, ou Marika s'était installée au pied d'un arbre, et organisé la déco en récupérant divers jeux de plage auprès d’amis qui habitent dans le coin. Matthieu et Ulysse, de retour du cours de skate board l’avait rejoint pour accueillir les premiers invités pendant que je patientais avec mes 4 mômes dans les embouteillages. Une fois tous au même endroit on a tenté de canaliser les énergies et de leur faire faire des trucs en commun. Pas facile de faire en sorte que tous aient envie d’aller se baigner en même temps ou de faire un jeu de balle ensemble. Heureusement avec Avril (qui est réapparue sur le lieu de la fête par la grâce de la helper de sa copine) et d’Ulysse, les petits étaient bien coachés. Finalement entre le grignotage de gâteaux et de fruits, les jeux d’équipe que Matthieu avait préparés on s’approchait de 17h et les premiers parents venaient chercher leur môme. On a dû accélérer le processus de découverte du coffre que Matthieu avait enterré dans le sable. Les enfants y ont découvert leur party bag et sont partis un à un. Quelques échanges et bières plus tard, on a pris conscience que tout le monde était parti et que Marika avait tout rangé. Un coup de taxi et on était à la maison pour grignoter un truc pour le dîner et ouvrir les paquets. Pierre a été bien gâté. Une heure plus tard tout le monde était au lit. C’était une bonne journée. On ne ferait pas ça tous les jours. Le prochain rendez-vous est pour l’anniversaire des 8 ans d’Ulysse. Il hésite entre un plan salle de kart ou une chasse au trésor sur la plage. Franchement le premier est plus coûteux mais plus aisé!
Il y a 15 jours, on a poussé pour la première fois jusqu'au terminus à l'ouest de la ligne bleue de MTR sur l'île de Hong Kong. Ce qui nous avez attiré à Kennedy Town... c'est un magasin, le premier qui vend en vrac, des pâtes, de la lessive. Pas de plastique ... un concept totalement inédit à Hong Kong ou la règle reste d'emballer chaque kiwi dans un sac plastique, chaque paquet de produits congelés dans un sac plastique, chaque paquet de pain de mie dans un sachet plastique.. On a donc poussé 4 stations à l'ouest de central pour se retrouver au milieu d une forêt de tours. Le pire et le meilleur de Hong Kong est là dans un rayon de 50 mètres de la sortie du métro: on a une aire de jeu (avec sa nettoyeuse attitrée), un terrain de foot, des toilettes publiques, des resto plutôt bobo (déco très tendance) et le fameux magasin. Qu'est ce qui est le meilleur et qu'est ce qui est le pire? Le pire ce sont les tours, et le fait que les helpers squattent le sol du parc en l'absence d'alternative pour faire une pause dans leur vie de dur labeur dans l'appartement de leurs employeurs d'environ 40 mètres carrés. Le meilleur: sans conteste les toilettes publiques, relativement propres et disponibles partout y compris dans le métro et sur les plages. Franchement ça c'est un point très positif de la vie à Hongkong, on n'est pas obligé de quémander pour aller aux toilettes dans les cafés ou restos de la ville. Les terrain de foot et autres terrains de sport ou de jeux pour enfants se trouvent à tous les coins de rue (même s'ils ne sont souvent pas très grands) et permettent en l'absence de vraie verdure de souffler surtout pour les enfants. Venons en au magasin Slowood: il encourage le "Zero Waste Lifestyle", tout un programme pour nous. Matthieu voulait surtout s'acheter une brosse à dent en bois... no comment. Bon il y avait rupture de stock sur le modèle adulte alors on en a acheté pour les enfants. On est reparti avec des fruits secs en vrac, y compris des fraises séchées (c'est sur que c'est pas de la production locale, mais c'est sans plastique). Ce qui est étrange c'est que pas grand chose était bio dans la boutique, comme si il fallait choisir soit sans plastique, soit sans cochonnerie chimique mais les deux ensemble ça reste hors d'atteinte. Je suis plus portée sur le sans cochonnerie chimique pour ce qui me concerne. J'ai à contre cœur (car c est trop bon) banni les gâteaux petits écoliers sous toutes leurs formes (car ici pas encore trouvé en version bio) en raison des Diphosphates (E450) qu'ils contiennent.
Les enfants doivent se contenter des gâteaux qui ont au moins 30/100 sur l'application "Yuka". Heureusement ils ne se lassent pas des spéculoos accompagnés de pomme ou de compote. Je profite de Marika pour faire des gâteaux maison et j'espère avoir le courage de continuer une fois qu'on sera rentré en France. Ici de nombreuses familles font pain et yaourt maison. J'ai mis la yaourtière sur la liste des achats de 2020!! Quelques petits pas pour compenser un peu nos excès ici. Le message passe de mieux en mieux chez les enfants. Pierre est un obsessionnel pour éteindre les lumières et accepte de renoncer à un achat de jouet si on lui montre que c'est du plastique qui ne tiendra pas plus de deux jours. Du coup il retourne l'argument pour demander l'achat de gros trucs bien costauds... en métal et en plastique solide.... Vendredi, c'était le "dragon-boat festival", qui est férié en Chine et à Hong Kong. Pour l'occasion, Sandra nous a embarqué à découverte des Tulou. C'est pas tout près. On est parti dès le jeudi soir à bord d'un train rapide en direction de Xiamen, ville de la province du Fujian, située tout juste en face de Taïwan. Le train rapide n'est pas si rapide : entre un gros stop à Shenzhen et une vitesse de croisière de moins de 200 km/h, il nous a fallu pratiquement 5 heures de train. Après une arrivée de nuit, un peu chaotique dans une gare en travaux (c'est la Chine...) et une courte nuit, on a retrouvé notre chauffeur et notre guide pour une brève visite de la ville. En fait, on s'est surtout contenté de visiter la petite île de Gulangyu. C'est l'un des ports chinois qui a été saisi par les puissances occidentales à la suite du traité de Nankin (comme Hong Kong et Shanghai, notamment), histoire d'enseigner à coups de canon les bienfaits du doux commerce aux Chinois. L'ile en a conservé quelques bâtiments coloniaux et est aujourd'hui un lieu de villégiature paisible : plages, restaurants, jardins, petites rues offrant un bel aperçu de tout ce que la Chine peut proposer comme street food... Très sympa, mais il fallait rapidement reprendre la voiture pour 3 heures de route en direction des montagnes. On a fini par arriver dans un village, tout mignon et très tranquille, au fond d'une vallée, séparée par une rivière. Sandra avait demandé si on pouvait dormir dans une Tulou, mais notre guide nous en a dissuadé parce que, question confort, c'est assez moyen. On s'est donc retrouvé dans un hotel neuf et très beau. La déco toute en bois clair et les grandes baies vitrées ont renforcé notre sentiment d'être dans un joli village alpin. On a posé nos valises et on est parti visiter notre première Tulou.
Mais c'est quoi les Tulou me direz-vous ? Et bien ce sont d'immenses maisons fortifiées. Elles ont été construites par les Hakka, des tribus de Chinois Han du Nord et du centre de la Chine, chassées par les invasions mongoles et mandchoues et qui ont colonisé la côte sud-est, jusqu'à Hong Kong (parait-il, mais il semble que la reconstitution des tribulations des différents groupes de population chinois soit un truc qui continue à occuper beaucoup les historiens). En arrivant dans ces montagnes du Sud, les Hakka ont dû faire face à la menace des bêtes sauvages et des brigands. Ils ont donc rassemblé leurs villages dans de grandes maisons collectives : de l'extérieur, c'est un mur haut de 3 à 4 étages, formant un grand cercle et percé d'une porte unique et de quelques fenêtre en hauteur. A l'intérieur, et sur toute la hauteur, la muraille est flanquée par des habitations en bois. Chaque petite pièce ouvre sur une coursive donnant sur la grande cour centrale, où l'on trouve un puits, une basse-cour, quelques fours et parfois un petit temple. Bref, un Tulou, c'est une barre HLM fortifiée en forme de donnut, construite entre le XVe et le XVIIIe siècle. Et c'est assez joli, ces grands murs ocres, ces toits de tuiles noires, et ces habitations en bois agrémentées de lanternes rouges et de paniers en bambous. Le lendemain, on a écumé un certain nombre de Tulou du coin. Il y en a plein. Souvent ronds, parfois carrés et rarement ovales, on les trouve regroupés en petits groupes, au gré de l'extension des familles. Tout cela est posé au pied des montagnes et des rizières en terrasses. C'est très paisible, le ciel est clair, les gens sont gentils... de quoi se réconcilier avec la Chine. Le week end s'est vite terminé, il nous fallait encore faire 2 heures de route et 4 heures de train pour rentrer à Hong Kong. Le dimanche soir, on a laissé les Hongkongais défiler en masse contre le projet de loi d'extradition (ça commence à chauffer semble-t-il), pour satisfaire la passion (très imprécise et particulièrement chauvine) de nos enfants pour le foot en les collant devant France-Corée en replay. C'est aujourd'hui le 30e anniversaire des "événements".
On n'attend pas de grande manifestation du souvenir à Hong Kong. Le rassemblement annuel qui a lieu ici accueille chaque année de moins en moins de monde et certains mouvements politiques "pro-démocratie" issus de la révolution des parapluies de 2014 revendiquent même le fait de ne plus y participer, en partant du principe qu'ils n'ont rien à voir avec ce pays étranger qu'est pour eux la Chine. En revanche, Taipei fête l'anniversaire de façon originale (cf. Photo). La capacité avec laquelle les mots sont dévoyés en Chine m’a toujours fasciné. On parlera de blue sky day pour désigner un jour où la pollution n’est pas trop forte, de démocrate le fonctionnement du Parti communiste, de normalité le fait de vouloir réduire un peu les excès, de civilisation écologique le fait de développer les énergies vertes tout en augmentant au même rythme la combustion du charbon. J’ai souvent hésité entre rire et colère devant les grands panneaux affichant démocratie, liberté et écologie comme valeurs premières de la république populaire de Chine. Le 18ème congrès national du Parti Communiste Chinois en 2012 a ainsi promu sans sourciller les 12 valeurs socialistes fondamentales que sont "prospérité", "démocratie", "civilité" et "harmonie" ; les valeurs sociales de "liberté", "égalité", "justice" et "État de droit" ; et les valeurs individuelles de "patriotisme", "engagement", "intégrité" et "amitié". Maintenant c’est la colère qui prend le dessus tant je sens que le pouvoir, en pleine conscience, est en train de détruire les marqueurs intellectuels et de vider de leur sens, dans l’opinion public national et international, des termes comme démocratie, développement soutenable, droits humains fondamentaux et j’en passe. Ce week-end, nous avons compris qu’un autre concept était dévoyé en Chine, celui de l’art. Rien de très grave me direz-vous: si les chinois confondent art contemporain et propagande, c’est leur problème. Enfin c’est devenu le nôtre quand nous avons franchi les portes du musée flambant neuf sobrement intitulé Mocape en plein coeur de Shenzhen. Encore une journée à 10 minutes en train ultra rapide de chez nous. La cible était donc ce musée qui combine deux institutions, le Musée d'art contemporain (MOCA) et le Planning Exhibition. Bon on aurait pu se douter que le terme "planning exhibition" était suspect et que le celui "d'art contemporain" pouvait être défini de manière différente en Chine et ailleurs. Maintenant c'est clair, l’art contemporain pour le conservateur du musée MOCA se réduit à “histoire économique et politique récente”. Cela faisait deux fois qu’on avait été à Shenzhen sans avoir le temps d’aller dans le bâtiment à la conception architecturale étonnante, inauguré en 2016 après 4 ans de travaux. Le musée est dans la continuité de la grande esplanade du Civic Center. Cette esplanade en hauteur, au dessus des rues est recouverte d'une grande vague et des montants colorés. Elle abrite du soleil et de la pluie des grappes de danseurs de tai chi le matin et de hip hop l'après midi. Il n’y a pas à dire, comme dans le cas du Design Society, les chinois sont sacrément forts pour construire des beaux bâtiments. Toute la zone autour du musée est flambant neuve et très esthétique. Mais c’est une autre paire de manche que de faire vivre les musées et notamment de les remplir. On avait fait ce constat lors de notre visite au musée Design Society. L’énorme bâtiment n’offrait à la visite qu’une grande salle sur le design aménagée par le V&A, un musée partenaire. Le reste était une succession de couloirs et de salles fermées. Pour notre plus grand plaisir, les enfants ont même joué à la balle dedans en attendant que la pluie cesse. Pour le MOCAPE, la fréquentation par les visiteurs était en revanche au rendez-vous. Une queue longue mais gérée assez rapidement nous a un peu cueilli à froid à notre arrivée. Cette queue était en fait pour assurer la vérification de nos papiers d’identité. Un mec sur une table prenait la carte d’identité chinoise des visiteurs lui jetait un coup d’œil et laissait passer. Quand il nous a vu arriver avec nos passeports il a fait une grimace. Il a commencé par mon passeport, n’a pas trouvé la page avec ma photo, il m’a alors demandé “where do you come from?” J’ai répondu, il m’a demandé mon nom, j’ai dit Sandra. Il m’a redonné mon passeport et a laissé passer tout le monde sans rien vérifier. Les apparences étaient sauves et, de toute façon, ce contrôle (ou ce rappel qu'un contrôle est toujours possible) s'adressait bien plus aux citoyens chinois qu'aux étrangers d'ailleurs très rares. Une fois dans le musée on peut admirer son ampleur. Les visiteurs chinois, pour la plupart en voyage organisé, se précipitaient dans les étages pour voir l’exposition qui venait a priori de démarrer et qui s’intitulait “40 ans de réformes: 1978-2018”. Pour l’art contemporain on repassera, on a été accueilli par un écran géant avec des images vidéos de la visite de XI Jinping. Immanquable. Ensuite des salles sur deux étages, ça nous a pris quasi une heure pour tout traverser. Nous étions les seuls étrangers ce jour là et quelques visiteurs étaient semble-t-il ravis de voir des occidentaux partager avec eux une ode à la grandeur de la Nation chinoise. Au fil des salles étaient détaillées les étapes de la transformation de la province du Guangdong au fil des réformes économiques. Tout en chinois ou presque. Des représentations des ateliers de labeurs du début, des conditions de vie sommaire des gens à une succession de vitrines sur les objets exportés par les usines: électronique, jeux, mécaniques optiques et enfin les téléphones de Huawei. La muséographie était souvent assez difficile à décrypter mais tout cela n'était pas dénué d'intérêt : après tout, la transformation radicale de la Chine depuis les années 1980, dont Shenzen est l'un des exemples les plus édifiants, constitue une page de l'histoire de la Chine et du monde qui mérite bien une exposition. Mais on comprenait bien que l'exposé du volontarisme de la Nation et du génie de Deng Xiaoping (prolongé par le non moins génial Xi), et la présentation d'objets et des documents de propagande sur les 8 points prioritaires et les 7 chantiers du futur, ne laissaient pas trop de place pour les gens. Pas un mot sur les inconvénients du développement à marche forcée: pollution, séparation des familles (les migrants qui travaillent dans les usines n’ont pas le droit de venir avec leurs familles), conditions de travail difficiles. Une jolie illustration de la vie sereine avant les réformes Après ce grand moment de culture artistique on a cherché à visiter le bâtiment... un vaste continuum de salles vides, une buvette et la boutique souvenir déserts ne faisaient pas partie de tour des groupes chinois. Nous avons trouvé un resto pas loin et avons vécu un autre grand moment dystopique. Pour commander il fallait scanner le QR code sur la table avec wechat et commander directement sur son téléphone. J'étais confiante car j'avais wechat et du roaming mais il a bien fallu renoncer car 1/ tout était en chinois et 2/ il faut un moyen de paiement chinois enregistré sur son téléphone. Il y avait bien une serveuse, très gentille et patiente mais dont le rôle se limitait à pointer du doigt le QR code et à montrer l'application wechat sur son téléphone. On a fini par commander "à l'ancienne" en se déplaçant vers la caisse à l'intérieur du restaurant. Tout l'après midi, on s'est en fait retrouvé "hors jeu" du fait de l'hyper dématérialisation en Chine. Après l'échec de notre commande au restaurant nous avons vécu d'autres mésaventures dans le musée voisin intitulé sobrement "Children Palace". On s'y est rapatrié car il faisait très chaud et lourd et qu'on n'avait plus le temps d'aller très loin. Le musée est un peu sur le mode Géode avec des films 3 D et des salles d'expo plus classiques sur le thème de la technologe. On était un moment tenté par un film 3D, on était même près à y aller alors que ca aurait été tout en chinois. Mais la technologie nous a encore une fois empêché. L'achat de billets se faisait exclusivement sur écran tactile via son téléphone: encore une fois wechat ou alipay avec un moyen de paiement Chinois. On s'est donc rabattu sur la section gratuite qui était il faut le dire totalement affligeante. Les vitrines étaient souvent totalement ridicules (cf. la vitrine sur le monde marin ci dessous). Encore un musée, très grand et plutôt beau architecturalement, mais totalement vide. On a fait toutes les salles pour patienter jusqu'à l'heure de notre tour en petit train pour "Energy world". En effet à notre arrivée dans le musée, on a pu être un peu briefé par une jeune fille, volontaire de la pléthorique équipe d'accueil. Elle était a priori la seule à parler anglais, très sympa et pleine de bonne volonté. Après l'échec cinglant de l'achat de billets pour le cinéma 3D elle nous a proposé l'activité petit train. Là non plus ça n'a pas été simple car il fallait scanner une carte d'identité chinoise pour pouvoir prétendre à un billet. Apparemment, la direction du musée n'avait pas imaginé qu'il puisse recevoir des visiteurs étrangers. Heureusement deux personnes de l'équipe d'accueil ont bien voulu le faire pour nous. 2 adultes et 4 enfants donc. Je suis restée sur le carreau mais j'ai pu profiter de l'activité phare dans l'atrium du musée : un espèce de jeu de l'oie. Les parents faisaient la queue pour donner à leur enfant unique la joie immense de jeter le dé géant. Bon j'ai du passer à coté des subtilités... Au retour de Energy World, les enfants ont expliqué qu'ils en avait marre de ces musées tous nuls et voulaient partir. C'est peu dire qu'ils n'ont pas été emballés par le "Energy world" tour : un wagon qui avançait très lentement pour passer devant des petites maquettes retraçant l'histoire de la technologie et de la maitrise de l'énergie, depuis la découverte du feu jusqu'à la conquête spatiale en passant par les barrages hydrauliques et les éoliennes. Il y avait encore 2 heures à tuer avant le train retour. On s'est dirigé sans y croire vers le parc d'à côté. Bonne surprise enfin, de la pelouse sur laquelle on pouvait s'allonger. Des mamies nous ont vendu (pas besoin de QR code là) des avions en plastiques et des cerf-volants. Enfin des plaisirs simples.... les enfants ont bien couru et joué au milieu d'une foule bon enfant lançant des cerf-volants dans tous les sens en créant moult noeuds et collisions. C'était un bon moment et même les quelques pros du cerf-volant équipés de bobines high tech accrochées à des baudriers comme pour la pêche au gros souriaient quand on s'emmêlait dans leurs fils.
C'était finalement une bonne journée malgré les bizarreries. Un dépaysement garanti en tout cas. On est tous rentré en se disant qu'on était content de ne pas être chinois. Depuis quelques années, à chaque fois qu'on y va, on ressent de plus en plus vivement cette impression étrange d'être tracé en permanence par tous les moyens digitaux et sécuritaires. Les caméras sont omniprésentes (la salle de contrôle des passeports à la gare de trains rapide Hong Kong-Chine doit en posséder plus d'une centaines, disposées au plafond, en un quadrillage d'un mètre carré). Pour tout, les chinois doivent scanner leur carte d'identité : prendre un train, acheter un billet de musée. Plus besoin de carte bleue ni de cash, juste son téléphone et sa carte d'identité, les deux étant bien évidemment liés, rien n'échappe plus à big brother. De voyage en article de presse, on voit très rapidement se dessiner sous nos yeux un tout cohérent, fait de contrôle de la société jusque dans la redefinition des mots (et oui, comme chez Orwell) :
Les chinois qu'on croise sont très sympa et il est, à bien des égards, très agréable intéressant de voyager en Chine. Mais on comprend que les Hong Kongais dépriment à l'idée de rejoindre le giron de la grande Chine. D'ailleurs, en ce moment, le grand débat qui anime tous les médias Hongkongais, ce n'est pas le 30e anniversaire des "événements" du 4 juin de la place Tiananmen, mais un projet de loi établissant un accord d'extradition entre Hong Kong et la Chine : les partis "pro-démocratie" craignent que cela conduise à l'extradition de tous les dissidents, instaure de fait la fin de la la liberté d'expression à Hong Kong et nuise gravement au business en faisant planer une menace pour tous les hommes d'affaire étrangers dont les entreprises nuisent aux intérêts de Pekin. Sans doute qu'ils ne comprennent rien au vrai sens des mots puisque l'objectif de ce projet de loi n'est bien évidement que de garantir la sécurité des citoyens... |
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