Figurez-vous que le 7 octobre, c'était le 9e jours du 9e mois lunaire. Ce double neuf est l'une des deux dates du calendrier chinois dédiée à la célébration des morts et le jour est donc férié à Hong Kong (c'est le Chung Yeung festival). Comme ça tombait un lundi, il fallait occuper ce grand week-end et nous sommes partis à Zhuhai. Zhuhai, c'est en Chine, juste à coté de Macao, donc pas bien loin de Hong Kong. Le voyage en lui-même était l'une des attractions à notre menu. Nous sommes revenus en ferry (une petite heure de bateau), mais à l'aller, nous avions prévu d'emprunter le fameux pont Hong Kong-Macao-Zhuhai. Ce pont qui relie les trois villes est un élément clé de la politique d'intégration du delta de rivière des perles (la "Great Bay Area Initiative"), qui englobe notamment Hong Kong, Macao, Canton et Shenzhen. Cette initiative d'intégration correspond à des objectifs économiques évidents, mais aussi, bien sûr, à des perspectives politiques. L'idée est de développer les interdépendances économiques pour créer des synergies et pour effacer progressivement les frontières entre la Chine continentale et Hong Kong. Tout cela fait sens, a priori, mais il va de soit que les Hongkongais les plus hostiles à Pékin ont vu d'un très mauvais oeil la construction de ce pont géant. Il faut dire qu'ils n'ont pas que des mauvais arguments tant on a du mal à voir comment cet ouvrage hors de prix (près de 19 milliards de dollars US) peut être vraiment utile et profitable. S'il a coûté si cher, c'est que c'est un pont en pleine mer (le plus long du monde, forcément !) et a dû être conçu pour résister aux typhons. Mais aussi parce que ce n'est pas qu'un pont. C'est aussi un tunnel : la partie du milieu plonge sous terre pour (j'imagine) laisser un passage libre pour les cargos. Cette fantaisie a nécessité la création de deux iles artificielles pour installer les bouches d'entrée et de sortie. Sur tout cela, on aurait pu imaginer voir circuler un train qui, par exemple, aurait pu se connecter au métro de Hong Kong et à la gare de trains rapides vers la Chine. Mais pas du tout : c'est juste un pont routier. Pire, ce n'est pas une simple autoroute : seuls deux compagnies d'autobus et quelques véhicules privés dûment accrédités ont le droit d'emprunter ce pont. En fait, pour traverser, on doit d'abord prendre un bus spécial à Hong Kong. Celui-ci nous amène dans un terminal tout neuf, construit à côté de l'aéroport. On passe la douane hongkongaise et on embarque, en zone "internationale", dans un autre bus spécial qui fait des aller-retours sur le pont. On arrive ensuite à Zhuhai, dans un autre terminal, où l'on passe la douane chinoise... Question intégration et effacement des frontières, il y a encore un peu de boulot. Tout le processus n'est pas plus flexible et à peine plus rapide que les bons vieux ferries. Dans notre cas, c'était encore pire car on devait prendre notre premier bus dans la gare routière située sous le centre commercial à côté de chez nous. Manque de pot, ce samedi là, le centre commercial était fermé comme tous les malls de Hong Kong suite aux manifestations plutôt chaudes de la veille au soir (ce samedi signait le début d'un couvre feu larvé à Hong Kong avec fermetures sporadiques des malls et arrêt du métro dès 22h, voire 20h). Finalement, on s'est retrouvé dans un de ces mini-bus typiques de hong kong (rouges ou verts, mais uniformément délabrés) pour rejoindre une autre gare routière où l'on a pu retrouver notre bus. Et tout ça pour quoi ? Ma foi, pour pas grand chose, sinon un week end en Chine, assez paisible et tout sauf désagréable. Notre première étape était le cluster de boutiques de meubles. C'est une spécialité de Zhuhai : des fabricants y ont des boutiques pour proposer leurs dernières créations. On y trouve des hangars remplis de ces fameux meubles chinois en bois super massif et très verni, avec des accoudoirs énormes et de gros coussins (si si, vous savez, ces coussins que leurs heureux propriétaires conservent souvent sous des housses en plastique transparent). Il y a aussi ces tables basses munies d'une plaque spéciale pour y servir le thé et qui sont équipées d'une série de trous et de clapets nécessaires pour faire passer les fils électriques de la bouilloire et évacuer l'eau qu'on ne doit pas manquer de renverser partout et généreusement en préparant le précieux nectar. Mais il n'y a pas que ça. Il y a aussi des hangars remplis d'un fatras de meubles anciens et tout poussiéreux, des magasins de fausses antiquités au catalogue fourni (et qui se font fort de vous fabriquer vite fait la commode chinoise de vos rêves, aux couleurs et dimensions de vos choix), et puis des fabricants de jolis meubles en bois clair, aux lignes pures et légères du design scandinave mais avec des inspirations chinoises... Tout cela, à des prix chinois qui, quand on vient de Hong Kong, nous font paraître tellement riches. Chez nous, à Hong Kong, on n'a pas vraiment la place pour tout ça. Et pour notre (si tout va bien) future maison de Sceaux, on a un peu de mal à savoir ce dont on aura besoin. Pour autant, on ne pouvait pas ne rien acheter. Alors on a jeté notre dévolu sur un Pixiu (貔貅). Mais si, vous savez, c'est cette bestiole mi-lion mi-dragon qui trône souvent à l'entrée des temples, mausolées et maisons. Attention à ne pas le confondre avec les lions qu'on trouve, toujours par paire, de chaque côté des portes, avec leurs pa-pattes posées sur une bou-boule. Un Pixiu, c'est pas pareil. Les paires de lions sont de vrais lions, et ils sont là pour montrer la puissance et protéger les lieux contre les vilains. Le pixiu n'est ni un lion, ni un dragon : c'est un pixiu ! Il est généralement tout seul, assez petit, et se trouve sous forme de pendentif ou de petite statue, souvent perchée en haut d'une colonne. Son job n'est pas de vous protéger. Il a toujours la gueule ouverte car sa raison d'être est d'absorber (au bénéfice de son heureux propriétaire) la bonne fortune... et la fortune tout court : il se nourrit d'or et d'argent qu'il emporte dans la maison (du coup, il faut le poser dos à la maison, la gueule vers l'extérieur pour faire entrer l'or, sinon, il va prendre les richesses de la maison pour les envoyer vers l'extérieur, ce qui serait tout de même ballot). Bref, un pixiu, c'est un must have pour quiconque a un minimum d'ambition. Le nôtre est en pierre et trône en haut d'un pilier carré d'1m30 environs. Vu le poids du machin, nul doute qu'il est destiné à ceux qui ont un paquet d'ambition ! Bref, c'est le nain de jardin qu'il nous fallait absolument. Il nous a été vite livré à domicile et trône maintenant dans notre salon. On voit bien qu'il piaffe d'impatience à l'idée de trouver sa place et se mettre au boulot dans son jardin de banlieue. Une fois cette affaire essentielle réglée, on a pu consacrer le reste du week end à des choses plus futiles. Le lendemain, nous avons donc visité la ville, encore toute pavoisée de drapeaux chinois, résidus de l'anniversaire des 70 ans de la république populaire. L'un des gros highlights, c'est l'opéra tout neuf avec ses cymbales (coquillages? oreilles?) blanches, plantées au bout d'une petite presqu'île. L'intérieur est tout ce qu'il y a de décevant, mais de l'extérieur, c'est vraiment réussi. Comme on était là, on s'est offert une course échevelée (bien qu'au ralenti) en rosalie tout autour de la presqu'île. On s'est ensuite infligé une visite à la grande statue de la fille du pêcheur qui est le symbole de ville. La statue est sans intérêt, mais la grande plage devant la ville est jolie. En face, il y a un grand parc où les adultes ont pris un apéro pendant que les enfants jouaient au foot avec une noix de coco (c'est pas cher et ça les a bien occupé). Le lendemain était consacré à la visite de la copie du palais d'été de Pékin. C'est un grand classique, en Chine, de faire des copies en béton des grands monuments. Après tout, pourquoi pas. Comme le vrai palais, celui-ci est posé à coté d'un grand lac artificiel où l'on peut naviguer à sa guise en louant des bateaux à propulsion électrique (on a fait ad nauseam de ce genre de pédalo à moteur à Shanghai et Pékin quand les enfants étaient petits, et on en a refait avec un certain plaisir nostalgique). Bonne surprise, le parc entourant le palais accueillait aussi un parc aquatique avec piscines à vagues et toboggans en spirale. La déco était entièrement dédiée à l'Egypte antique (après tout, pourquoi pas - bis) et le tout était un peu décrépit et vaguement crado. Mais rien qui ne puisse tempérer l'enthousiasme des enfants qui s'y sont épuisés pendant 3 heures. Il nous restait plus qu'à nous coucher après avoir mangé vite fait dans un micro restaurant du Xinjiang où les enfants ont été enchantés de voir le gars fabriquer ses nouilles à renfort de grands gestes. Pour le dernier jour, on a fait court, parce que, ma foi, on commençait à avoir écumé les principaux charmes de la ville. On a traversé toute la ville (c'est long) pour voir un musée en plein air consacré aux portes. Oui oui, aux portes. C'est un grand parc avec des reproductions à taille réelle de différents types de portes et arches monumentales qu'on trouve en Chine. Après tout, pourquoi pas - ter. Le principal attrait est de pouvoir dire qu'on a visité un musée de la porte, ce qui, sait-on jamais, pourra peut être nous servir un jour pour briller en société. On a tué notre dernière heure sur la plage, près du phare en toc, et d'un coup de ferry on est rentré à Hong Kong.
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Avril a participé l'année dernière un processus de sélection au sein du Lycée Français qui constituait une équipe mixte de rugby pour un tournoi programmé à Tokyo le week end dernier. Avril qui n'avait jamais fait de rugby a plutôt bien tiré son épingle du jeu. Il fallait 5 filles dans l'équipe et seules 4 des candidates en faisaient en club. Restait donc une place à prendre. Avril a fini première sur la liste d'attente car le coach a préféré Iluh, une très bonne copine d'Avril, plus accrocheuse et sans état d'âme pour faire des plaquages. Mais la famille d'Iluh a renoncé en apprenant le prix du séjour au Japon. La voie était donc libre pour Avril qui depuis s'est trouvé une passion pour le rugby. Elle, comme ses frères, a rejoint l'équipe des Tigers. Entrainement tous les dimanches matins. Avril faisait en plus l'entraînement avec l'équipe du LFI. Ils ont été dotés de nouveaux maillots aux couleurs d'un sponsor (j'imagine un parent d'élève Paul Y(?), c'est une boite d'ingénieurs). Le coach est quand même un ancien joueur de rugby professionnel Khrist KOPETZKY, et l'équipe a franchement du potentiel. Au fil des entrainements, Avril prenait confiance, se permettait de plaquer les garçons... Se rendait compte qu'elle était grande et que les joueurs en face cherchait à l'éviter... Bref, une évolution sympathique. Avril trépignait d'impatience de partir au Japon. Elle avait fini sa valise le lundi soir, alors que le départ était vendredi matin. Trop hâte de voir les rugbyman français en vrai car elle allait assister au match France-Angleterre..... Si vous suivez le rugby vous connaissez la suite.. Patatras, le typhon Hagibis qui a quand même fait 40 morts au Japon, a eu raison du match France-Angleterre et aussi du tournoi organisé par le LFI de Tokyo.
Jeudi matin on a été informé que les 16 équipes participantes étaient priées de rester chez elles. A priori certaines, celles qui venaient d'Europe étaient déjà dans l'avion. Les pauvres enfants, après leurs 12h d'avion ont a priori été remis dans l'avion dans l'autre sens à leur arrivée. Finalement on s'en sort plutôt bien. Bon on ne sait pas si il nous faudra quand même payer quelque chose... C'est l'école qui avait géré la réservation, on attend la note. Bref, Avril a été bien triste. Bon la vie continue.... le rugby chez les Tigers. Et puis Tokyo, on y va en famille dans 10 jours... En 1841, Charles Elliot a choisi une petite ile rocheuse, située non loin du territoire portugais de Macao, pour implanter la colonie Britannique en Chine. Ce faisant, il a désobéi aux instructions de lord Palmerston, le secrétaire aux affaires étrangères de la reine Victoria. Celui-ci voulait s'implanter dans les iles de Zhoushan, c'est-à-dire bien plus au Nord (en face de Ningbo, au sud de Shanghai). Le choix de Charles Elliot était celui d'un militaire (il se doutait qu'il était préférable, pour plus de tranquillité, d'éviter la provocation en s'implantant loin de Pékin). C'était aussi celui d'un marin. Le but de cette petite colonie était d'avoir un comptoir sous autorité britannique pour servir de base arrière pour les grandes compagnies commerciales anglaises (en gros : exporter de l'opium et n'importe quoi d'autre vers la Chine, importer des coolies chinois qui vont aller travailler dans les plantations et les chantiers de construction en Amérique et aux caraïbes, et servir de chantier naval et d'entrepôt pour le commerce en transit entre les Indes et tout l'Extrême Orient). Pour les marins, ce petit territoire excentré avait un atout essentiel : c'est un ensemble d'iles montagneuses qui plongent à pic dans la mer et offrent donc un grand nombre d'abris naturels en eaux profondes : l'endroit parfait pour un port. C'est ainsi que fut créé ce lieu entièrement dédié au capitalisme décomplexé et au commerce maritime. Il fût baptisé Hong Kong, soit littéralement, le port parfumé : 香 (parfum) et 港 (port). Tout ça pour dire que Hong Kong, c'est sans doute beaucoup de choses, mais c'est avant tout un port. Bien sûr, avec le temps les échanges par voies aériennes (l'aéroport) et surtout les échanges financiers ont pris une importance grandissante, mais le bon vieux port reste un élément essentiel de la ville. En 2004 c'était le plus grand port du monde. Depuis, sa croissance a été lente (comparée notamment à celle de ses concurrents chinois) et il se situe aujourd'hui à la 6e place (le premier port Européen, c'est Rotterdam, à la 11e place). Il n'en reste pas moins que la zone portuaire impressionne par sa taille et génère un trafic incessant. Il est d'ailleurs toujours étonnant, lorsqu'on est à la plage, de voir passer non loin des porte-containers géants, comme des monstres tranquilles. Le week-end dernier, nous sommes allés y voir de plus près. Le dimanche matin, on s'est embarqué avec quelques dizaines d'autres dans une grosse "jonque" (bon, c'est en fait un yacht, mais, à Hong Kong, on dit "jonque" - junk en anglais- et d'ailleurs, d'avril à novembre, on organise volontiers des "junk party" où l'on privatise un bateau à la journée pour aller manger, picoler et se baigner entre amis dans l'une des baies de l'ile). Cette croisière était proposée par un néo-zélandais qui a passé quelques années à trimbaler des conteneurs pour Maerks. Le clou de la journée était une visite des bassins du port. C'était pas mal du tout et très instructif. Bien sûr, il n'y avait rien qu'on ne pouvait imaginer avant d'y aller : des portiques pour charger-décharger, des conteneurs, des porte-conteneurs géants, des porte-conteneurs plus petits pour dispatcher les cargaisons, etc. Mais tout de même : la taille de tout cela impressionne. Des containers, il y en a des milliers, les porte-conteneurs sont comme d'immenses barres d'immeubles : 12 étages (au-dessus de l'eau) et plusieurs centaines de mètres de long, les portiques forment une forêt dense... et très très peu de tous petits bonhommes pour faire bouger tout cela. La visite valait clairement le coup d'oeil et les explications de notre skipper néo-zélandais nous ont apris pas mal de choses (ses histoires de piraterie moderne seront sans doute tout ce dont se souviendront les enfants avec le buffet barbecue).
En revanche, questions parfum, il faudra revenir : ce jour-là, Hong Kong était plongé dans un nuage de pollution hallucinant. Un typhon sur Taiwan empêchant la dispersion par l'est de la pollution chinoise qui du coup stagnait sur nos têtes. |
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