L’an passé, les vacances de noël nous ont amenées en Birmanie. Cette année, on a poussé un peu plus loin pour explorer les contreforts de l’Himalaya, au Népal. C’était aussi l’occasion d’approcher l’Asie du Sud et la culture indoue sans pour autant plonger dans le chaos de l’Inde. C’était deux semaines bien dépaysantes. Le Népal ne ressemble à rien de ce que nous avons pu voir jusqu’à maintenant. C’était aussi deux semaines un peu fatigantes. Le pays est pauvre et, même si le climat est plutôt tropical, il faisait bien froid en ce mois de décembre pour nos petits organismes habitués au climat hongkongais. Les nuits étaient assez fraiches (4-5 degrés) et l’isolation et le chauffage n’est pas le point fort de l’habitat local. La plupart des hôtels proposaient au mieux une clim réversible poussive, au pire rien ou un petit chauffage électrique ressemblant à un grille-pain et qui produit plus de lumière que de chaleur. Trouver un restaurant avec des fenêtres plutôt qu’une simple terrasse ouverte à tous vents était aussi un challenge de tous les jours. Bref, on a vécu sans vraiment quitter nos polaires et doudounes et on a eu peu de moments cosy pour se détendre. Mais on a pu éviter les rhumes et profiter des après-midi ensoleillés. C’était aussi un peu rude pour les enfants. Le Népal n’est pas une destination hostile aux enfants, mais c’est pauvre, bien déglingué et c’est peu dire qu’il n’y a pas beaucoup d’activités véritablement child-friendly. Nos trois gamins ont cependant supporté ces contraintes sans râler (même s’ils ont souvent rêvé à haute voix de pizza et de piscine et envié leurs copains d’école qui passaient leurs vacances les fesses dans l’eau en Thaïlande). Au final, on revenu assez fiers des capacités de résilience de nos petits routards, qui se sont amusés à cocher les principes clés de la vie de backpackers (se gaver tant que possible au petit-déjeuner, ne pas mouiller ses habits, profiter des moments de soleil, se laver rarement - ça c'est pas trop dur pour eux, manger beaucoup de riz et de bananes…). Notre voyage a commencé par un trajet en train pour Canton où l’on a pris un avion pour Katmandou. On était bien chargés car on a joué les transporteurs pour une française de Hong Kong qui s’active pour association venant soutenir quelques enfants Népalais en difficultés. Les premiers pas en ville nous ont mis immédiatement dans l’ambiance. Avis à tous ceux qui rêvent de sérénité, de méditation et de connexion avec les puissances de la nature : oubliez Katmandou. La ville est complètement foutraque. Des petites rues bondées, des vieilles maisons toutes déglinguées, des gens qui pellettent partout des grands tas de sables et tordent des fers à béton, des micro-temples qui dégoulinent de crasse, de poudre colorée, de fleurs fanées et de cire fondue, des poulets, des grosses motos, des chèvres, des petites voitures, des vaches… La ville est foutraque, mais l’ambiance est assez détendue. Les népalais sont plutôt gentils et discrets. Pas de foule pressante, pas de vendeurs collants, pas de négociations acharnées pour acheter la moindre babiole, pas de regards louches ou envieux, pas de sentiment d’insécurité. Tout au contraire. La plupart des népalais parlent au moins un peu anglais et beaucoup le parlent très bien, ce qui est très confortable et permet d’échanger avec les gens. Et ils sont souvent sympathiques, aiment discuter et sont toujours prêts à aider. Le premier jour, nous nous sommes acquittés de notre tâche de transporteur en allant déposer nos deux gros sacs remplis de doudounes toutes neuves et de vêtement usagés dans l’école à qui ils étaient destinés. Bientôt, certains gamins auront donc la joie de gambader dans des uniformes du lycée français de Hong Kong ! L’école était toute neuve, et très pimpante bien que plantée dans une périphérie de Katmandou faite de routes en terre, de maisons pas finies et de magasins improbables et poussiéreux. On y a passé la matinée, à faire des puzzles avec les gamins de l’école, tous en doudoune dans la salle de jeu. On s’est ensuite attachés à visiter la ville et ses nombreux temples. Beaucoup ont souffert du tremblement de terre, mais les reconstructions vont bon train. On n’a pas affaire à de très grands temples, bien circonscrits. Au contraire, les édifices religieux bouddhistes ou hindous sont de petites constructions carrées disséminées ici et là. La grande place Durbar en accueille cependant plusieurs, en face de l’ancien palais royal et de la maison qui accueille les Kumari (ces fillettes-déesses qui vivent cloitrées dans leur petite cage dorée jusqu’à ce que la purberté les prive de leurs pouvoirs divins et qu’on les remplace par une plus jeune). Le tout est très joli, avec beaucoup de briques, de bois finement sculptés, etc. Des temples et des stupas, il y en a aussi plein de tous petits, au milieu de la rue ou cachés dans des cours d’immeubles que l’on découvre en s’en enfilant dans des petits passages tortueux. Et puis, il y a le grand stupa de Bodnath, gros gâteau blanc surmonté de son chapeau doré d’où vous regardent les yeux du Bouddha, et autour duquel les fidèles tournent en rond en secouant des moulins à prière. On adore ! Une mention particulière pour la visite très instructive du palais royal. C’est un palais moderne, type années 50, qui a conservé son mobilier diablement vintage : un mélange de cabinet de curiosité (les tapis en peaux de tigre saupoudrés de boules de naphtaline, les photos des visiteurs officiels – de Mitterrand à une belle brochette des pires dictateurs des années 70 et 80, etc), et de maison d’apparatchik soviétique (postes de TV japonais dernier cris en 1985, cendriers publicitaires, couvre lits qui évoquent les chambre d’hôtel des films de gangster de notre enfance, etc). Le piquant de cette affaire est que le palais royal a été le lieu d’un massacre dont les détails factuels ne sont nullement épargnés au visiteur. En 2001, le prince héritier a profité d’une réunion de famille pour dessouder son papa le roi et toute la dynastie. Il a été retrouvé grièvement blessé. Il sera aussitôt intronisé roi avant de mourir dans la foulée et laisser le trône à son oncle. On soupçonne ce dernier, qui avait opportunément décliné l’invitation à la réunion de famille, d’avoir manipulé son neveu. Mais c’est pas très clair. Le bénéfice a été de toute façon maigre : le tonton a été destitué en 2008, et la monarchie Népalaise renvoyée dans le folklore de l’histoire. On a ensuite passé deux nuits dans les anciennes villes royales de Patan et Bhaktapur. Bon, en vrai, c’est juste en banlieue de Katmandou, et il suffit d’une grosse demi-heure entassés dans l’un des petits taxis de la ville pour y arriver. Mais cette petite distance permet tout de même de changer d’ambiance et trouver un peu de calme. Au menu ? Et bien, des temples, des grandes places avec des temples devant un ancien palais royal… Bref, tout pareil ou presque. Une mention spéciale pour la promenade qui nous amenée à longer une immense fabrique de briques : sur des hectares, des milliers de briques en train de sécher avant d'être ammenées à la briqueterie pour les cuire, et des hommes, femmes et enfants qui travaillent accroupis à mouler/démouler des briques à même le sol ou à en transporter des piles sur le dos. C'est une chose de voir la misère dans les rues, mais le dénuement, la dureté du travail et la mocheté de tout cela nous a marqués bien plus. Une des rares fois où l'on a senti les enfants s'interroger un instant sur leurs vies d'extrême privilégiés. Un des moments les plus marquant de notre passage dans la vallée de Katmandou, c’est lorsqu’on s’est retrouvés à la tombée de la nuit dans le temple de Pashupatinath. C’est en fait un grand ensemble de temples et bâtiments divers construits de part et d’autre du fleuve Bagmati – qui ressemble ici une petite rivière. A l’heure du coucher du soleil, les terrasses successives qui encadrent le cours d’eau se remplissaient progressivement d’une population tranquille, discutant par petits groupes, alors que d’autres s’affairaient à allumer de grands feux de bois sur les bords du fleuve. Une fois la nuit tombée, un prêtre, quelque part sur une terrasse, s’est mis à psalmodier dans un micro pendant que la foule rassemblée l’accompagnait par des exclamations sporadiques. Et puis, on a apporté les cadavres. Là, au milieu des gens et presque sur nos pieds, allongés sur des petites civières et couverts d’un simple linceul blanc. Discussion entre les enfants : « Tu crois que c’est un mort ? Ben oui, on voit les cheveux ! ». Charmants bambins, pas plus impressionnés par la proximité de la mort que la foule des hindous rassemblée. En pleine nuit, dans un temple à ciel ouvert simplement éclairé par les brasiers, enveloppés d’un peu de brume et de fumée, entourés de la foule psalmodiant, on avait le sentiment d’être partis très, très loin de chez nous… voire d’avoir traversé l’écran de télé pour plonger dans un remake d’Indiana Jones. On est resté un moment, un peu fascinés. Mais il commençait à faire froid et je ne tenais pas à ce que les enfants assistent à la crémation qui se préparait à 2 mètres d’eux, alors on a brisé la féérie et on est partis retrouver la civilisation. L’étape suivante, c’était Pokara. C’est pas très loin, à l’ouest de Katmandou. Pas très loin, mais quand même quelque chose comme 6 heures de voiture. Pour couper court, on a opté pour l’avion. Bien sûr, toutes les compagnies aériennes népalaises sont sur la liste noire des pires du monde. Mais il parait que tant qu’on ne s’approche pas trop de la haute montagne, ça va. Et puis, de toute façon, ça peut difficilement être plus accidentogène qu’un voyage dans un minibus déglingué sur les routes incertaines du Népal. Pas de pot, ce matin-là, Pokara était dans le brouillard. Aéroport fermé, vols retardés. Au final on a passé 5 heures à attendre dans une salle d’embarquement bondée. Les enfants ont pu se gaver d’Ipad : C’est l’un de leur meilleur souvenir de vacances ! Alors qu’on commençait à désespérer, le brouillard a fini par se lever, et on a pu s’embarquer dans notre coucou pour 20 petites minutes de vol (du coup, les enfants, n’ont pas compris et se sont sentis spoliés : qu’est-ce que c’est que cet avion où l’on a si peu de temps pour faire de l’Ipad ??). Pokara est une ville posée en bordure d’un grand et joli lac, au pied des Annapurna. C’est d’ailleurs le camp arrière de tous ceux qui veulent s’élancer à l’assaut du massif. Nous, on est resté sagement en bas pour profiter des paysages, du grand calme (surtout après Katmandou), et du confort relatif offert par cette ville très touristique. On a fait un peu de shopping et quelques balades sympa, offrant de belles vues sur les montagnes enneigées. On a aussi visité le musée des conquêtes de l’Himalaya (photos, matériel... d’ailleurs, saviez-vous que les sherpas, c’est le nom d'une toute petite ethnie – en fait, une grande famille – qui s’est spécialisée dans l’accompagnement en montagne) et celui des Gurkhas, ces militaires d’élites népalais dont le courage et la fidélité sans faille a été largement exploitée par les Anglais qui, aujourd’hui encore, les enrôlent volontiers dans leurs troupes de choc). De là, on s’est engagés dans une journée de rafting. Réveil à l’aube et quelques heures de trajet en jeep pour arriver près d’une grande rivière. On appréhendait deux choses : mourir noyés (ou perdre un enfant dans les eaux tumultueuses) et mourir de froid (ou perdre un orteil dans les eaux glacées). On a été rassurés sur le premier point car notre guide nous a dit qu’il allait partir d’un peu plus bas que prévu pour éviter les rapides les plus violents. Sur le deuxième, c’était plus limite. Ce jour-là, toute la région était sous le brouillard. Or, dès qu’il n’y a plus de soleil, ça caille au point qu’il nous semblait totalement absurde de quitter nos doudounes et aller mettre nos pieds dans l’eau. Mais, le temps d’arriver sur place et d’enfiler une combinaison de plongée au-dessus de nos pull en polaire, le soleil a fait une timide percée. Au final, on a passé quelques heures à descendre paisiblement la rivière. Quelques petits rapides pour nous égayer un peu et nous éclabousser d’eau glacée, mais pas assez pour nous faire peur ni même nous empêcher de profiter du paysage. Cette descente de rivière nous a amenée non loin de Bandipur, un très charmant village de montagne. On y trouve de jolies maison et une vue dégagée sur la vallée et les montagnes au loin. Mais c’est un peu en hauteur, il y fait froid, et les petits hôtels sont bien mal équipés. Sandra et moi avons pu profiter d’une « warm room » (comprendre : orientée au sud), mais les enfants, de l’autre côté, ont dormi avec tous leurs habits, doudoune comprise, ce qui les a d’ailleurs plutôt ravis. De là, on n’était plus très loin de notre prochaine étape : le parc national du Chitwan. Ouh ! Le confort d’un resort avec de grandes chambres chauffées, d’un petit déjeuner copieux sur une terrasse glaciale mais offrant une très belle vue sur une rivière et une prairie où passent quelques éléphants. Ajoutez à cela un bon nombre de chiens errants mais gentils, des feux de bois installés tous les soirs dans lesquels les garçons ont pu touiller… le bonheur. Le parc offre aussi un certain nombre d’activités bien adaptées aux enfants. Une partie de pèche dans la rivière (on s'équipe d'un tamis en bambou et on racle le fond pour récupérer des micro poissons). Un tour dans le village où ils ont pu organiser une grande partie de balle dans la poussière et la boue avec les gamins du coin. Un moment à déambuler avec des éléphants (après deux passages dans une réserve d'éléphants à Chiang Mai les années précédentes, les enfants les considéraient avec autant de curiosité que si c'était des autobus). Une descente de rivière en barque où l'on a pu admirer plein de crocodiles affalés sur les berges. Une belle promenade en forêt, aussi. L’idée, sur ce coup, était d'apercevoir des animaux sauvages, et on a bien retenu toutes les consignes de sécurité : face un ours, regroupez-vous, faites de grands gestes et de grands bruits, face à un tigre, ne le quittez pas des yeux, ne clignez pas, ne bougez pas, sauf à reculer tout doucement, face à un rinho, enfuyez-vous en courant en zig-zig, face à un éléphant, partez au plus vite et priez parce qu’il n’y a pas grand-chose à faire. Il va de soi qu’on n’a vu rien de tout cela... Enfin, une journée complète a été consacrée à un vrai safari. Juchés sur une jeep, on a arpenté tout le parc à la recherche des rhinocéros et des tigres du Bengale. A notre tableau de chasse : des daims, des paons, un python, une empreinte de tigre dans la boue et deux oreilles de rhino dépassant au-dessus des herbes. Un peu maigre pour 6 heures à cahoter dans le froid… Après tout cela, retour à Katmandou (15 minutes d’avion au-dessus des montagnes) où l’on a passé des moments agréables et instructifs avec mon oncle et ma tante, venus comme chaque année travailler pour leur petite ONG. Sandra a remplis nos bagages de bols chantants, de pantoufles pour les enfants, et autres babioles, et on s'est envolés pour Canton.
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