Tout le monde connait Uluru, et plus encore ceux qui ont passé leurs années collèges collés devant le top 50 et les clips de Midnight Oil : C’est le gros caillou rouge devant lequel le chanteur chauve nous offre une démonstration de son déhanché si mémorable (soit dit en passant, Midnight Oil est un bon exemple du grand mouvement de repentance des années 80 et 90 : le tube « beds are burning » est un appel à la restitution des terres aux aborigènes… mais je m’égare). Après un vol rapide depuis Sydney, on a pris possession d’un bon gros 4x4 et posé nos bagages dans l’un des hôtels de l’unique resort posé en plein désert aux abords d’Uluru (Ayers Rock si on préfère la dénomination donnée par les colons plutôt que le nom aborigène). Les contraintes sur l’hébergement sont sans doute une bonne chose pour éviter la surpopulation touristique (même si on n'en est pas très loin déjà). Pourquoi tout ce chemin pour voir un gros caillou me direz-vous ? En fait, Uluru vaut quand même le détour. D’abord parce que c’est un bien beau caillou. Il est grand, parfaitement découpé ce qui lui donne l’aspect un peu surréaliste d’un météore planté dans le sol, et il offre des reflets rouges et oranges qui changent sans cesse. Comme tout le monde, on s’est trouvé un coin en bord de route pour observer le coucher de soleil. C’est long, mais on se sent petit et on ne s’en lasse pas. Le soir, on est allé profiter d’un petit spectacle de présentation de la culture aborigène. En plein désert, une famille aborigène présentait, dans un anglais bancal, quelques légendes et danses traditionnelles à un rare public assis sur des planches en bois. C’était pas totalement désagréable, mais le truc totalement amateur et foutraque ne nous a pas appris grand-chose. Ca a été l’occasion pour Sandra (moi j’ai fait l’impasse) de déguster une cuisse de kangourou (mal) cuite sous la braise. Rien d’inoubliable. Le lendemain, on a ignoré le lever du soleil : pas le courage de se lever hyper tôt pour poireauter une bonne heure dans le froid (dans le désert la température hivernale, très agréable en journée, tombe presque à zéro pendant la nuit). On s’est donc contenté d’une petite promenade autour du caillou avant de nous remettre en route. Car l’autre intérêt d’aller visite Uluru, c’est de faire la route vers Alice Springs, la capitale du Centre Rouge, à quelques 500 km de là. On est en plein désert, et il n’y a pas 36 options pour choisir sa route et ses étapes. On roule donc au milieu d’un paysage fait de terre rouge, de petits arbres et de buissons épineux. C’est très joli : rouge et vert, avec quelques collines rocheuses ici et là, et puis tout plein de rien ou de pas grand-chose. On croise des 4x4 poussiéreux et suréquipés (roues de secours, matériel de camping, jerrican d’eau et d’essence, branches de bois sur le toit pour le bivouac, etc). On s’arrête dans des stations-services improbables avec deux pompes, une épicerie, un bar et des emplacements de camping. Ambiance Bagdad café (là encore pour ceux qui ont connu les années 1980). On a fait étape dans l’un de ces lieux qui proposait des petites cabines en toile de tente. Les débutants qui, comme nous, n’étaient pas équipés en matériel de camping pouvaient, pour un prix effarant, s’y installer pour dormir sur des petits lits de camp. Pas super confortable, mais tout à fait dépaysant et sympathique. Les enfants n’ont pas bougé du feu de camp. Ils sont du inspirer l’équivalent de leur poids en poussières et suie à force d’alimenter et souffler sur le feu. Ils étaient ravis. Après avoir épuisé les ressources de ce coin de désert, dont une très jolie randonnée dans le sublime King’s canyon, et une visite-découverte de la culture aborigène (bien mieux que la précédente et où l’on a pu déguster de grosses larves grillées), on a poursuivi notre route vers Alice Springs. Sur ce coup, la pression était à hauteur du challenge imposé par le calendrier. On était à la mi-juillet, le jour crucial où il fallait inscrire les enfants pour leurs activités extra-scolaire du lycée français de Hong Kong. On savait d’expérience que tout se joue à la minute près : dès l’ouverture du portail internet, toutes les places disponibles partent en quelques minutes. Vu qu’on a 3 enfants et qu’on n’est que deux parents, il vaut mieux être bien calés dans les starting-blocks, avec plusieurs ordinateurs et ipad sous la main. Le hic, c’est qu’au beau milieu de l’Australie, il ne faut trop compter sur le wifi ou la 3G. On devait donc s’enfiler plus de 150 km de piste puis autant de bonne route et arriver avant l’heure fatidique à Alice Springs, seule vraie oasis numérique dans ce désert. On a commencé par douter un peu. D’abord parce que la station-service de notre camping était à sec de diesel : on a du croiser les doigts pour espérer que la prochaine, à quelques 70 km, avait encore un peu de stock. Ensuite parce que la première portion de piste était bien plus dégradée que prévue. Pour une raison inconnue, la route était faite de petites vaguelettes, comme une tôle ondulée, mais aussi de bonnes grosses ornières. 150km, à 30 km/heure, ça risquait d’être long. Heureusement, ca s’est progressivement amélioré et on a pu appuyer un peu sur le champignon pour bringuebaler à vive allure dans un gros nuage de poussière rouge et un vacarme assourdissant. Le résultat a été (encore une fois) à la hauteur des talents de planification de Sandra : les trois mômes vont pouvoir goûter à la joie du foot et du basket entre copains. Nous voilà donc, après une longue route, à Alice Springs, telle Priscilla et ses copines folles du désert (tiens, une référence des année 1990, on avance). On avait prévu d’y passer deux nuits. Il nous est vite apparu que c’était un peu généreux. Alice Springs est une pastille urbaine plantée au milieu du désert et même si elle joue un rôle important dans ce vaste territoire, elle n’est qu’une bourgade endormie de moins de 30 000 habitants. Pas grand-chose à y faire. Pour dire : on s'est même résigné, un soir, à aller voir Toys Story 4 au cinéma. Un peu de shopping (dont l’achat d’un indispensable chapeau de ranger de l’outback australien). Quelques visites de petits parcs animaliers qui présentaient la faune du désert (des serpents, des lézards, des rapaces, des rongeurs…). Et puis on a visité toutes les galeries d’art aborigène. Aucun aborigène dans ces lieux assez chics présentant des créations hors de prix, inspirées des arts ancestraux. Des aborigènes, en revanche, on en voit partout en ville. C’est un peu… étrange. La plupart affichent un air un bourru, et déambulent en petits groupes, apparemment sans but. Bref, ils semblent vivre dans un monde distinct, séparé du reste de la ville… on est dans une coexistence pacifique, mais semble-t-il assez loin de la fraternité souriante célébrée par les messages volontaristes des musées de Sydney. Après Alice Springs, on a repris l’avion pour Darwin, tout au Nord du continent. Une beaucoup plus grosse ville, dotée notamment de deux bons musées. Le musée du territoire du nord présente des œuvres aborigènes, des descriptions de la faune et flore locale, et un peu d’histoire avec la présentation des dégâts du cyclone Tracy qui a détruit la quasi-totalité de ville durant la nuit de Noël 1974. L’autre musée propose une reconstitution 3D du bombardement de la ville par les Japonais (le Pearl Harbour local) et une exposition de l’histoire des « Flying Doctors », ce service de médecine ambulante par avion, développé pour répondre aux besoins de ce territoire immense et très peu dense. Mais si on est venu à Darwin, c’est surtout pour visiter la région et ses parcs nationaux (dont le fameux Kakadu). Ici le désert laisse progressivement place à un paysage plus marécageux et plus verts. Toujours des grands d’espaces, une faible densité et très peu d’hôtels. On était encore condamnés au camping. Mais, là, on a laissé tomber le 4x4 pour s’entasser dans un magnifique camping-car tout blanc. C’est gros ! Mais à cinq à l’intérieur, c’est pas non plus super spacieux. Un lit double dans l’espace au-dessus de la cabine de pilotage, un lit double tout à l’arrière et une banquette-salon-salle à manger qui se transforme en lit la nuit venue. Après, il reste un petit couloir-cuisine où il faut calculer tous ses gestes pour éviter les bousculades et les couacs. Il y a aussi une cabine de douche-toilettes, mais on a d’emblée décidé qu’on allait s’en passer : pour 4 jours on pouvait éviter les corvée de vidange et se contenter des sanitaires collectifs offerts par les campings. Aussi mastoc que notre engin à 6 places puisse être, on avait du mal à cacher notre amateurisme face à nos voisins de camping. Les vacances en Australie étant finies, les campings étaient essentiellement peuplés de couples sans enfants et souvent assez âgés… et tous hyper équipés de caravanes géantes ou de pick-up énormes où il suffit de tirer quelques poignées pour faire apparaitre un espace de couchage, une cuisinière, une machine à laver, etc… Le soir, les gens se couchent tôt, après une bonne bière dégustée assis dans une chaise pliante, en regardant les wallabies sautiller çà et là entre les caravanes. C’est sympa le camping-car. Ca se conduit bien sur les routes paisibles et larges d’Australie. Les enfants à l’arrière peuvent jouer ou faire leurs devoirs de vacances. Les petits déjeuners à l’extérieur dans la lumière matinale sont aussi très sympa, tout comme le fait de tout plier vite-fait pour repartir dès les tartines avalées. Parce que, là encore, il ne fallait pas trop trainer si on voulait avoir le temps de traverser les parcs nationaux. Outre les paysages grandioses, les balades en forêt et les peintures rupestres, la spécialité de ce coin d’Australie c’est le croco. On en trouve dans toutes les rivières, zones marécageuses et billabongs (on a appris qu’avant d’être une marque de fringues pour surfeur, ce mot désigne un bras de rivière mort et presque asseché à la saison chaude). Pour mieux les observer, on a fait deux tours en bateau qui permettaient de nous approcher un peu sans danger. C’est pas que ces bestioles apprécient particulièrement la chair humaine, mais leur taille coupe d’emblée toute envie de tester leur hospitalité. Après cette bonne dose de crocodiles et de wallabies, on a mis le cap vers Cairns, notre dernière étape. Cairns, c’est au Nord Est du pays, sur la côté (forcément). C’est une chouette ville, beaucoup plus grande et animée que tout ce qu’on a vu depuis Sydney, posée en bord de mer entre de grandes collines verdoyantes (un peu comme Hong Kong, mais sans les gratte-ciel). L’animation touristique de Cairns tient beaucoup à sa proximité d’une partie de la grande barrière de corail qui était bien sûr à notre menu. Pour la voir de plus près, on s’est embarqué avec une poignée d’autres touristes pour une virée d’une journée sur un voilier. L’avantage du voilier, c’est que c’est petit et donc plus intime que les gros yacht. L’inconvénient, c’est que ce n’est pas rapide. Et la barrière n’est pas franchement tout près. Il nous a fallu près de deux heures pour arriver sur un premier site de plongée. Deux heures de vent froid et de roulis assez sérieux (on a un peu serré les dents mais personne n’a été malade). Une fois sur la barrière, on est loin de la côte, mais le fond est assez haut, au point qu’on peut avoir pied à certains endroits. Tout le monde s’est équipé de combinaisons de plongée, de masques, tubas et palmes et zou, à l’eau. Ouh ! On est en pleine mer, il y a du vent, l’eau est froide et assez agitée. Nos deux garçons se tenaient à une grande bouée tractée par l’un des accompagnateurs. Mais c’était vraiment froid (leurs combis d’enfant étaient assez fines) et plutôt impressionnant. Ils n’ont donc fait qu’un petit tour, avant de remonter dans le bateau, tout tremblants et les lèvres bleues. Pour les autres, l’expérience a été plus agréable. Les coraux sont tous proches et les poissons très nombreux. On passe au-dessus d’étoiles de mer bleu Klein, de raies, de poissons-clown… un vrai aquarium. Je suis même tombé nez à nez avec un barracuda, qui bloquait tranquillement l’accès à l’échelle du bateau. Une petite frayeur, cette rencontre à la jurassic park. Les accompagnateurs nous avaient bien expliqué qu’ils étaient pacifiques, mais, bon, leur taille et leur grandes dents poussant dans tous les sens n’incitaient à aller y voir de plus près. Depuis le bateau, on a pu aussi voir des tortues de mer respirer à la surface et, sur le chemin du retour, deux baleines souffler au loin. Le lendemain, Sandra nous a embarqué dans un petit zinc pour un survol d’une petite heure au-dessus de la barrière. Je n’étais pas très chaud pour cette sortie qui perforait trop ostensiblement tous les critères de l’éco-responsabilité. Mais bon, c’est le coup d’une vie, et puis, après des milliers de kilomètres en avion et en véhicules énormes, on n’en était déjà plus là. Et, de fait, c’était franchement pas mal. On voit l’étendue impressionnante de la barrière, la diversité des couleurs et des formes des différents ilots. Autant de choses qu’on ne peut pas percevoir d’en bas. La vue sur Cairns et sa couronne de montagnes vaut aussi le coup. Après tout cela, il nous restait deux jours pour faire un tour vers Port Douglas (un peu plus au Nord) et la jungle tropicale. Ici, moins de dépaysement pour nous qui avons passé tant de vacances sous les tropiques ces dernières années, mais un changement d’ambiance tout de même fort sympathique. Après tout cela, il était enfin temps de rentrer à Hong Kong. Deux jours pour faire des lessives avant de repartir pour la France, notamment pour chercher une maison à acheter car, cette fois, c’est sûr, on rentre dans un an.
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