Plutôt que de profiter du Dragon Boat festival pour regarder les équipes ramer au son des tambours, on a profité du jour férié pour découvrir Manille. On se doutait bien que ce n’était pas une destination de rêve mais, sur un week-end de trois jours, on n’avait pas le temps d’explorer plus loin les Philippines. Trève de suspens : on vous confirme que Manille peut figurer assez bas dans votre liste des villes à voir absolument avant de mourir. Les américains n'ayant pas fait dans le détail pour déloger les japonais, la ville a été totalement détruite pendant la guerre. Il ne reste pas grand-chose des constructions coloniales espagnoles : juste une vague muraille qui entoure un centre « historique » (judicieusement nommé intramuros) qui contient une église globalement préservée des bombardements, quelques maisons coloniales reconstruites après-guerre, des bâtiments administratifs et… des bicoques en tôles où vit tranquillement une population qui n’a pas grand-chose. La misère est en effet l’un des traits saillant qui ressort de la visite de la ville : des familles entières vivent dans la rue, d’autres s’entassent dans des cabanes plantées ici et là en pleine ville. Les gens sont gentils et on ne ressent pas d’insécurité excessive (mais les gardes armés postés à l’entrée de tous les bâtiments et boutiques laissent supposer que tout n'est pas paisible), mais c’est triste. En général, il règne à Manille une ambiance assez caribéenne : chaleur, humidité, pauvreté, inégalités, mélange de culture espagnoles et américaines… Notre programme de visite a tout de même été assez rempli : on a coché un bon nombre des sites pointés par le lonely planet, et on est revenu enrichi d’un aperçu de la culture et de l’histoire (bien triste) des Philippines. Notre appartement était situé à proximité d’intramuros, juste en face du parc José Rizal. Vous ne connaissez pas José Rizal ?? Et bien nous oui. Ce personnage central de l’opération de « nation building » des Philippines est incontournable. C’est un jeune intellectuel qui s’est opposé, à la fin du XIXe au pouvoir colonial espagnol, ce qui lui a valu d’être fusillé à l’âge de 35 ans, non sans avoir laissé quelques rimes poignantes exaltant la liberté et l’unité du peuple philippin. Il faut dire qu’il avait toutes les qualités requises pour en faire un héro : mi-authoctone (tagal) mi-chinois pour ne froisser aucune communauté, très éduqué (il était docteur et polyglote) dans un pays où les colons espagnols n’ont pas mis une piastre dans l’éducation des masses, dramaturge, romancier et poète, beau gosse qui a eu le bon goût de mourrir jeune et tragiquement. Le candidat idéal. Au point que la légende en a sans doute rajouté un peu : on dit qu’il parlait 23 langues, que c’était un grand peintre et sculpteur (on a vu ses œuvres : c’est pas vrai), qu’il est - pour avoir laissé 3 gribouillis pour la postérité - le père de la bande dessinée philippine, qu’il a même gagné à la loterie nationale (ça, soit c’est un truc inventé pour rendre plus acceptable sa grande fortune, soit c’est vrai et il y a de quoi douter de la justice divine). L’essentiel du parc Rizal lui est consacré (logique), de même que l’ensemble des ruines du fort où il a été enfermé et une large part du musée de l’histoire coloniale. L’icône a même été récupérée par une marque très trendy qui vend des T-Shirt à son effigie pour le prix du salaire moyen philippin. Manille accueille aussi quelques très beaux musées sur l’histoire du pays (maquettes de galions espagnols, vitrines contenant des figurines représentant les scènes clés de l’histoire, etc) ; les antiquités (poteries et autres vestiges du commerce entre l’Asie et les Amériques, bijoux en or produits par les peuples des iles de l’archipel, etc) ; la communauté chinoise (avec bien sûr une longue ode à Rizal, héros national et non-moins chinois). Il y a aussi, parait-il, un beau musée d’art contemporain, mais on n’a pas eu le temps.
On s’est aussi promené, à pieds et en calèche (après une pression amicale mais sacrément insistante de Pierre) dans intramuros. Quelques rues sympas, mais sans plus, dans un mélange de maisons coloniales et de bidonville ; deux-trois boutiques (avec les incontournables locaux : des mangues séchées, des paniers en osier, des objets en bois – dont des awalés, très prisés ici aussi de même qu’en Malaisie) ; une cathédrale et une église qui, tout au long du week-end, enchainait les mariages en grande pompe. On s’est retrouvé, le samedi midi, dans un restaurant installé dans une grande maison coloniale. Un genre de grande auberge ibérique, bourgeoise et surannée, qui semblait être l’endroit idéal pour venir célébrer en famille les 80 ans de mamie. Il y avait un grand buffet où Avril s’est découverte une passion immodérée pour l’ile flottante. C’était bien alors on y est retourné le lendemain soir pour assister en prime au spectacle de danses folkloriques (essentiellement espagnoles). Enfin, un des principaux attraits touristiques de la ville, ce sont ses moyens de transports. On trouve dans les rues un grand nombre de tuk-tuk locaux, encore plus pourris que dans beaucoup de pays et dont la plupart sont tirés par des vélos (ce qui en dit quand même pas mal sur le niveau de pauvreté). Mais les rois de l’asphalte, ce sont les Jeepneys, ces mini-bus construits sur des bases de jeep qui sont décorées avec une flamboyance toute latine. Les passagers s’y entassent, face à face sur des longs bancs, comme des bidasses, et font passer le prix du trajet de main en main jusqu’au chauffeur. Il en pétarade partout dans la ville, dans un grand concours de chrome et de peinture. On en trouve à la gloire de Hello Kitty ou de Bob Marley, mais la plupart rendent un hommage très peu discret au Christ roi ou à la Sainte vierge. Le bilan du week end. Bon, disons que c’est fait. Mais, même s’il y a peu de chance qu’on y retourne, on est revenu à notre confort hongkongais avec une certaine tendresse pour ce pays qui sait réunir si bien l’ensemble des tragédies, blocages et gâchis caractéristiques des pays en (non) développement. NB. J’oubliais : on a aussi consacré notre soirée du samedi à soutenir l’entrée en lice des bleus pour la coupe du monde 2018 : France / Australie. Le foot n’est pas du tout au centre des préoccupations dans le pays (c’est là qu’on voit qu’on est pas en Amérique latine) où l’on préfère le basket et la boxe. Mais on s’est déniché un pub qui retransmettait les matchs du Mondial. Les enfants, affublés pour l’occasion de leurs maillots tricolores du lycée français, ont pu y narguer bruyamment les tablées d’expats australiens.
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